Au départ de Ninja malgré moi, il y a Rena, une gamine de onze ans handicapée par un syndrome d’anxiété sociale. Elle vit avec sa mère, absorbée par son travail sur les intelligences artificielles, subit les moqueries de ses camarades, qui la voient comme une demi-folle, et suit une thérapie auprès du Dr Menoly, qui essaie de la sortir de sa carapace en la soumettant à de petits exercices de sociabilisation. Pour Rena, s’exprimer en classe devant ses camarades, entrer en contact avec un inconnu ou participer à des activités collectives constituent autant d’épreuves insurmontables. Le point de vue adopté par le scénariste Ricardo Sanchez – qui exploite en cela une idée originale de sa fille Adara – est celui d’une pré-adolescente sujette aux phobies sociales, repliée sur elle-même et ayant pour seul confident un enfant vivant, pour des raisons médicales, en autarcie dans une chambre stérilisée. Ce dernier point est d’ailleurs symptomatique, puisque Rena considère le confinement forcé de son correspondant virtuel… comme une chance !


À cette dimension psychologique va s’ajouter, comme le titre de l’album l’indique, une intrigue portant sur le ninjutsu. Rena est approchée par Sundar Dysart, un maître attestant qu’elle serait l’élue d’une prophétie ancestrale. En s’entraînant et en apprenant les techniques de base de cet art finalement méconnu, elle pourrait redorer le blason des ninjas, tournés en ridicule par la culture populaire et quelque peu tombés en désuétude. L’entreprise n’est évidemment pas aisée : Rena doit dépasser ses vulnérabilités psychologiques, s’affirmer et enfin croire en elle. Peu à peu, elle va cependant s’affranchir de ses phobies et acquérir les compétences techniques faisant d’elle une ninja accomplie. Il y a là un authentique message d’espoir : les déterminismes ne sont que relatifs, en bien comme en mal d’ailleurs, la prophétie n’étant en fin de compte qu’un feu de paille (mais nous n’en dirons pas plus). Si le comique affleure par moments, notamment lorsque Rena évoque le ninjutsu à travers le prisme des shows télévisés, ou quand elle se sert de ses nouveaux « pouvoirs » pour se venger d’un méchant garçon, c’est le travail que l’adolescente réalise sur elle-même qui constitue le cœur du récit.


Vaguement inspiré par les Goonies ou les Tortues Ninja, l’album de Ricardo Sanchez et Arianna Florean s’avère toutefois davantage pertinent dans sa radiographie de certaines particularités psychologiques que dans sa construction dramatique ou ses rebondissements. Le twist du dernier tiers du récit apparaît en effet quelque peu attendu, tandis que les réactions de Sidney (l’ami virtuel) ou de la mère de Rena face à ses nouvelles activités demeurent sommaires. Pas de quoi gâcher notre plaisir, heureusement. Aux dessins, Arianna Florean donne satisfaction, avec un trait clair et précis se prêtant parfaitement à l’exercice. Elle portraitise avec succès Rena, tant dans ses moments de crainte ou de doute que dans ses phases de résilience ou d’euphorie.


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Cultural_Mind
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le 1 juin 2021

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