« Le créateur dit alors : J’exterminerai de la face de la
terre l’homme que j’ai créé »
C’est par ce présage inquiétant que débutent les
aventures de Noé, héros biblique qui construisit une
arche afin de sauver l’humanité d’un déluge annoncé
par un Dieu déçu de la manière dont évoluent les
hommes. D’après les visions de Noé, la planète va se
recouvrir d’eau et chaque vie sera balayée, éradiquée
et détruite afin de « purifier » la terre.
A partir de ce point de départ que l’on connait tous,
oubliez les représentations auxquels nous sommes
habitués. Ici, les animaux ne rentrent pas sagement
en rang, deux par deux dans un beau bateau d’où
dépassent quelques têtes de girafes souriantes et où
les singes virevoltent en rigolant.
Dans cette bande dessinée, dont l’un des auteurs n’est
autre que le cinéaste Darren Aronofsky (Requiem
for a dream, Black Swan...) les volontés des
hommes ne sont pas forcément celles que l’on croit.
Cette relecture brutale du mythe nous présente ainsi
un Noé plus proche de Conan le Barbare que d’un
quelconque gourou en robe de chambre. On a donc
affaire à un homme en questionnement face à ses
intimes convictions. Un homme qui n’hésite pas à
défragmenter la tête de ses ennemis, à aller contre sa
propre logique et ses propres sentiments pour servir
un but trop lourd à porter : sauver l’Humanité, sauver
la Vie. Durant les 4 tomes que dure cette intégrale, ce
sont toutes les étapes de l’épopée mythologique qui
nous sont contées façon «Mad Max ». Un Noé mal
rasé, tout en muscle et testostérone, armé jusqu’aux
dents les pieds dans le sable construisant une arche
gigantesque pour ses enfants, celle qu’il aime et
chaque espèce animale. Inutile de dire que personne
ne se mettra impunément en travers de son chemin,
surtout pas d’autres hommes.
Et là réside l’originalité de cette œuvre. Toutes
nos attentes sont brisées une à une. Ici chaque
personnage tente de survivre à un monde hostile
avec ses propres armes, ses propres convictions et ses
propres manières d’être. Même des héros, symboles
de vertu, deviennent des bourreaux sanguinaires
tandis que les pires tortionnaires peuvent redevenir
humains. Noé c’est donc cela, une BD brutale doté d'un solide
souffle épique.
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