Baru, dessinateur émérite, réalise, en 1995 L'Autoroute du Soleil, un travail spécial dans sa carrière car c'est avec cette œuvre qu'il apprivoise le style japonais. Notamment l'usage du noir et blanc. Une manière de travailler remplie d'aisance qui apparaît comme le juste milieu entre le style japonais et franco-belge. Casterman édite Noir en 2009, reprenant 3 récits très courts de Baru, publiés juste après son travail japonais. Il reste donc dans ce style. Ecrit dans les années 90 et réactualisés plus tard, ces récits peuvent sembler être différents et en même temps proches.
Bonne Année 2016 a été écrit comme prophétisant le choc du 22 avril 2002. Il sera remis à jour à ce moment là, puis en 2007. C'est désormais Nicolas Sarkozy, le président d'une France à moitié dictatoriale. Les banlieues ont été coupées du reste de la France. Elles sont à part. La pauvreté et le SIDA y font rage et en ce soir de 31 décembre 2015, un jeune banlieusard veut juste serrer une nana.
Bonne Année 2047 peut être vu comme la suite directe. Le climat est encore plus mauvais, la France a clairement exclu les banlieues, devenus des territoire à part suite à une mini-guerre civile où Nicolas Sarkozy est devenu un dictateur militaire. Plusieurs jeunes essaient de passer une nuit pas trop mauvaise, toujours avec le même objectif : les femmes, mais pas le SIDA.
Ballade Irlandaise raconte une histoire totalement en décalage. Un groupe de rock irlandais méga connu revient dans leurs terres pour enregistrer un album. Petit problème : ils sont protestants et en territoire catholique en pleine période de guerre civile.
On peut se demander ce que vient faire Ballade Irlandaise ici. Les deux Bonnes Années semblent liées, mais à trop regarder l'univers on pourrait en oublier le message. A chaque fois, on parle de jeunesse, prise dans un monde de violence et de séparation. Le pouvoir qui s'en prend aux banlieues, n'est ce pas comme les catholiques qui tuent les protestants ? Ou l'inverse ? Et même, dans le camp des « méchants », il n'y a pas que du mal. Il y a de la justice, de la gentillesse, de l'honnêteté. Bref, il y a de l'humanité.
Les histoires sont très touchantes. Dans les thématiques, on retrouve une grande maîtrise des sujets. Baru ne perd jamais de vue le réalisme des situations, en opposition à l’irréalisme le plus complet pour ce qui est de l'univers. Les personnages sont vrais. Ce ne sont pas des révoltés, mais des jeunes, qui veulent s'amuser. Comment ? Sortir, faire la fête, faire l'amour.
Le premier épisode rappellera à tous les galères typiques de banlieusard. Où comment trouver un simple plein d'essence semble être une galère, mais bon, ça me semble pas si irréaliste. Ce genre de soucis existe dans toutes les banlieues.
Le numéros 2, Bonne Année 2047 montre un peu comment une nuit de nouvel an peut être dur. Et en même temps amusante. L'opposition entre les banlieues et Paris est mise en avant. Comme le danger du SIDA. La Capote, le Graal pour cette nouvelle génération. Ce récit est fort, cette œuvre est puissante. On regrette peut être qu'il soit trop court tant on s'y plait. Clairement, ce récit là, le plus long, aurait gagné, pourtant, à l'être encore d'avantage.
Enfin, la Ballade Irlandaise est un hymne au rock, à la liberté et au fun. Une version amusante de Roméo&Juliette, peut être en-dessous des autres récits pour le traitement scénaristique, mais parfois plus fort par l'aspect existant du contexte. Oui, cette guerre a eu lieu, et c'est ça qui est fort. Si, plus d'une fois, on peut s'attendre à des passages (l'évidence même, vu que c'est une reprise de la célèbre pièce de Shakespeare), on reste quand même agréablement surpris par le traitement, toujours juste. Et la fin, qui touche, qui est plaisante bien plus que blessante.
Baru maîtrise son art, que ça soit le dessin, simplement très bon, à la fois suffisamment iconique et suffisamment réaliste, où le scénario. Tout sonne toujours juste. Ce sont des bonnes histoires. Il y a peut être quelques regrets. Certains passages prenant peut être trop de cases. D'autres semblant peu intéressant. Pourtant, globalement, quand on a une vue d'ensemble de chaque histoire, elles me semblent très réussie. D'autant plus à la seconde lecture. Mais malheureusement, elles sont trop courtes. Baru nous propose 3 lattes d'une cigarette magique qui est son univers, son monde. Baru est un artiste qui, ici, nous invite à visiter d'avantage son art. On regrette de ne pas en avoir d'avantage, mais c'est déjà très plaisant. Amis, soyez sur que Baru est un grand, et qu'il sait le rappeler.
PS : Au début, je pensais mettre plutôt 7, mais en écrivant la critique, je me suis rendu compte à quel point j'avais accroché, bien plus que sur la majorité des BD que je lis actuellement, ça méritais un beau petit 8.