Rory Hayes : Dessinateur expressioniste

Résultant d'un long travail fait par les éditions Stara (qui ont désormais une grande place dans mon coeur), Nounours en Enfer est la première édition française d’œuvres de Rory Hayes, dessinateur du mouvement underground des années 70. Il faut savoir qu'Hayes fait parti de ces illustres inconnus que le grand public ne connaît absolument pas, mais que même bon nombres de pseudo-professionels ignorent tout autant. Pourtant Rory Hayes a influencé les plus grands (certainement Spiegelman à tout hasard), en effet, son style étant absolument unique. Il repose sur la fusion des univers, ou plutôt sur une vision totalement expressionniste tout en incorporant des éléments des vieux films d'horreurs américains et enfin, mettant le tout avec comme héros un nounours en peluche. Sans avoir de volonté cathartique, Hayes semble quand même faire sortir de son âme ses démons les plus sombres.
Graphiquement c'est unique, Hayes a en effet un style bien à soi, souvent on remarque qu'il y a aussi un manque de rigueur, de professionnalisme, mais l'époque et le jeune âge du dessinateur l'excuse. Plus d'une fois, en lisant ces planches, on se dit qu'on ne voit pas un "simple" dessinateur de BD, mais un artiste incroyable qui, a défaut de faire du cinéma (comme il l'aurait probablement souhaité), a permis au neuvième art de découvrir des horizons inexplorés. Autre point important, Hayes n'a jamais écrit d'histoire longue, de nos jours ça peut choqué, mais ces histoires font souvent 2 à 5 planches. La plus longue Popoff Hayes, le Toxico (bizarre comme nom de famille, n'est il pas ?) est longue de 9 planches et présente une vision extrêmement intéressante et personnelle de la drogue. Folie, nous voilà ! Chef d’œuvre de Hayes, cette histoire ne sera cependant publiée qu'après sa mort.

Le recueil est composé de planches pris dans les différentes participations de Rory Hayes (Cunt Comics, Boggeyman Comics principalement) qui s'articulent autour de 3 thématiques : l'horreur, le sexe, la drogue. Si les premières histoires relèvent surtout de la première catégorie, plus on avance et plus on se laisse happer par des sujets plus personnels et parfois plus dégoutants. La vision très personnel de Hayes sur la sexualité (sachant qu'il est à l'époque de Cunt Comics, encore vierge, et qu'il a 20 ans) est des plus intéressante, mais aussi effrayante ... Des hommes qui urinent sur des femmes tandis que d'autres dévorent leurs partenaires après l'acte sexuel. La déshumanisation est au centre de l’œuvre de Rory Hayes.
La drogue est perçu à la fois comme géniale (permettant de vivre des expériences puissante) mais finalement plutôt tristes, car liée à une incapacité de s'élever de soi-même. Et surtout illusoire, les protagonistes qui la consomme finissant souvent mort (vision prophétique de Hayes ?).

Le livre contient aussi des illustrations de Rory Hayes mais surtout une biographie au début de l'ouvrage, permettant une meilleur compréhension de ce formidable artiste qui n'a finalement œuvré que 7 ans et qui n'a certainement jamais vraiment voulu s'attacher à la vie. En plus de cela, Geoffrey Hayes, le frère de Rory (également dessinateur mais pour enfant dans son cas) raconte son frère, avec une vision intimiste mais aussi objective, sur cet homme qui était certainement un des plus grand dessinateur du monde.
L'ouvrage se termine avec une interview de Rory him-self, qui date de 1973, il termine en disant qu'il n'arrive pas vraiment à parler ou expliquer son travail. Désarmant.

Finalement les éditions Stara offrent aux français la possibilité de découvrir un des plus grands dessinateur de BD du XXème siècle, quelqu'un, qui en exerçant bien peu, a pourtant changé, à jamais, le comics dans le monde. Espérons qu'on ne cesse de le rédécouvrir et qu'on lui offre ainsi la place qu'il mérite. En attendant, n'oubliez pas : Stara n'a pas tout réédité, il reste encore beaucoup de Rory Hayes inédit en VF, alors, amis éditeurs : faites nous plaisir, n'oubliez pas Rory Hayes !
mavhoc
9
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le 11 nov. 2013

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mavhoc

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