Nuits blêmes
7.1
Nuits blêmes

Comics de Richard Corben (1979)

Aiguillé par un ami vers le travail de Richard Corben, je découvre ici au passage celui d'un de ses scénaristes complices, Bruce Jones. Nuits Blêmes est un court recueil de sept petits contes horribles et fantastiques façon Contes de la Crypte et illustrés par divers artistes. Entre humour morbide et dégueulasse, ironie mortifère, monstres terrés sous la surface et noirceurs de l'âme humaine, entre folies fantasques et dérèglements paranormaux, les récits qui composent l'ouvrage distillent



une atmosphère glauque et décalée, morbide mais drôle,



et dissèquent la cruauté de l'imagination de son auteur avec un plaisir macabre digne des meilleures farces d'Halloween - malgré le goût parfois douteux.


Le dessin est évidemment marqué par l'époque : contes parus à la fin des années soixante-dix aux Etats-Unis, le trait est généralement dynamique, vif, tandis que les visages sont tour à tour grotesques ou croquignolesques, et les couleurs criardes ne font ni dans la légèreté ni dans la nuance.



Tape-à-l'oeil comme un bon vieux comics, mais ciselé et appliqué.



Les monstres sont monstrueux, dents aiguisées, regards vides et bave aux lèvres, archétypes assumés de l'imaginaire gore de la culture populaire américaine. Le rythme standard du format comics condense les récits, et laisse apprécier toujours à point une résolution pleine de douleurs, d'ironie ou de présages malsains après l'horreur. Jamais d'autre morale que celles, ironiques ou cyniques, du genre.


Scénarii simples, structures rapides et efficaces, Bruce Jones ne s'embarrasse pas du contexte et, vu le format réduit, file à l'essentiel dès les premières cases. Le résultat est d'une efficacité redoutable, aucun compromis, aucun raccourci, aucune ellipse : tout se joue toujours sur un temps court, brusque autant que brutal parfois, et le plaisir de ces petites histoires tient justement dans



la condensation immédiate, puissante, de ces récits :



un personnage, un monstre, un affrontement et le dénouement coule dans la foulée.


Petit bijou concentré de pop culture américaine seventies, à découvrir pour tous les aficionados d'horreurs macabres et cyniques, Nuits Blêmes raconte tout un pan de la culture populaire contemporaine et, se rapprochant des Contes de la Crypte grâce à ce même second degré jouissif, présente le travail survolé d'un jeune Bruce Jones qui oeuvrera longtemps par la suite sur les scénarii de Batman, noir assumé, après s'être amusé de ces



pages blêmes, terrifiantes autant que délirantes.


Créée

le 29 déc. 2017

Critique lue 149 fois

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