Le capitalisme expliqué aux nuls (ou l'argent ne fait pas le bonheur)!
Riche, très riche ce 23ème opus du lutin malin! Nous sommes en 1976 et la France commence à faire son deuil des "Trente Glorieuses". Au revoir la croissance, bonjour la crise! C'est l'apparition dans les médias d'hommes à face de cul peu sexy et austères : les économistes! Sur un plan plus personnel, Goscinny pas réputé pour être un homme d'argent, voit d'un oeil amusé l'arrivée dans le monde de l'édition de jeunes coqs aux dents longues (oui, je sais, c'est étrange...) expert en commerce et marketing....Bref, la société française est à un tournant important.
Et de ce contexte, en ressort un des meilleurs albums du duo. Comme pour "La zizanie", le principal danger pour nos héros viendra du village lui même! Car la force est abandonnée ici pour une méthode qui a déjà été à deux doigts de faire mouche : diviser pour mieux régner! On remplace l'odieux Détritus et ses rumeurs par le jeune arriviste Saugrenus et son sens de l'économie...
Pour faire s'effondrer ce dernier bastion de résistance, il suffit d'y intégrer la notion d'argent et de richesse amenant luxe et confort....Pour cela, Saugrenus commence par acheter des menhirs à Obelix en lui faisant miroiter qu'il sera l'homme le plus important du village! A partir de là, c'est la fête du slip! Tout le monde voulant sa part de butin, les commerces de menhirs fleurissent et on se retrouve dans la situation ahurissante où la moitié du village chasse le sanglier pour l'autre moitié qui ne fait que fabriquer de la pierre! Puis, les villageois nous deviennent soudain moi sympathique à l'image de la jeune épouse d'Agecanonix qui tente une approche auprès d'un Obélix désormais riche
Agécanonix: "Depuis que ce gros imbécile d'Obélix fait fortune avec ses menhirs, ma femme me tance vertement! Ca ne peut plus durer!"
Astérix: "Du calme, Obelix est mon copain, après tout."
Agécanonix: "EH BIEN MA FEMME LUI FAIT LES YEUX DOUX A TON COPAIN! C'est incroyable, elle qui n'a jamais regardé un autre homme que moi!"
Panoramix: "Incroyable, en effet...Je me suis souvent posé la question"
Deux réflexions me viennent à l'esprit avec cette scène. La femme pourrait être vénale?! Et quel lecteur ne s'est jamais fait la même réflexion que le célèbre druide?!
Bref, sachez juste que l'ambiance n'est pas à la rigolade au village, qu' Obelix snobe Astérix et Idéfix, que le Bling Bling fait déjà son apparition, que la présentation Power point était déjà au goût du jour et qu'à l'image du "Domaine des dieux", l'attaque économique sur le village n'est pas loin de réussir! Mais Astérix et Panoramix veille et comme le remarque Obelix, bien sur, l'argent ne fait pas le bonheur:
"Ne te moque pas de moi. J'ai été bête. Je m'ennuie et j'en ai assez tout le monde à plein de sesterces, tout le monde est devenu l'homme le plus important du village! JE VEUX QU ON REDEVIENNE COPAINS! JE VEUX CHASSER DES SANGLIERS! JE VEUX RIGOLER DE NOUVEAU! BEUHHH"!
Alors ne cherchez pas à travers cet album, malgré les thèmes abordés (libéralisme, marketing, commerce, bulle spéculative....) un brûlot anti capitaliste, Uderzo et Goscinny gardant leur ligne de conduite qui est de ne jamais faire de politique! C'est juste encore un regard souvent affectueux, parfois critique et cynique sur le village, miroir de la société française! Que ce soit les jeunes diplômés de la Nouvelle Ecole d'Affranchi (NEA.....ENA ?) et autres grandes écoles, les dirigeants politiques ("C'est simple César: l'appât du gain, l'or....voilà qui les affaiblira et occupera. Nous allons en faire des décadents!") et leur mépris du peuple, ou alors le peuple lui même avec cette soif de consommation et son ego, tout le monde en prend pour son grade!
Alors, oui, j'ai remarqué que mes albums préférés d'Astérix étaient souvent ceux qui grattent bien le vernis de ce petit village, et qui fait apparaître quelques aspects peu avantageux chez nos héros! "Obélix et Compagnie" en fait partie!