Critique publiée sur Kultur & Konfitur.
Au moment de découvrir Off Road, je n’avais pas encore lu l’acclamé Punk Rock Jesus. C'est donc un regard vierge que je pose sur cette œuvre présentée comme annonciatrice de la suite. La préface spécifique à l'édition française est intéressante, présentant un auteur un peu désabusé sur l'édition contemporaine qui met en avant des choses qui ne le méritent pas forcément. A l'écriture de Off Road, Sean Murphy avait déjà l'idée de Punk Rock Jesus mais un ami scénariste ciné lui a conseillé de laisser le projet mûrir et de s'attaquer à moins costaud pour bien maîtriser les bases de la narration au lieu d'un projet ambitieux non maîtrisé.
Alain Jeepé
Et si en effet le pitch de Off Road est très simple (un mec largué fait une virée en jeep avec des potes), Murphy montre bien, comme c'est le cas pour quelques classiques du cinéma, qu'il n'est nul besoin de s'encombrer pour arriver à une certaine pureté. Une idée simple mais qui garde sa force et son universalité. On est ici dans le récit initiatique dans toute sa splendeur. Trent se cherche, ses potes aussi, ils sont tous un peu paumés pour des raisons différentes : sentimentalo-artistique pour le protagoniste, familiale pour Brad, professionnelle avec le poids de l'héritage familiale pour Greg (fils friqué heureux possesseur de la jeep). Leur escapade va renforcer une amitié qu'ils avaient peu eu l'occasion de mettre à l'épreuve et d'extérioriser, les obstacles du schéma quinaire se présentent, sont surmontés avec plus ou moins de difficultés, avec des adjuvants comme dans tout bon récit suivant le schéma actanciel. Murphy respecte donc les stéréotypes du récit initiatique au service de la recherche identitaire, pour une conclusion très efficace qui arrive à pic, sans tomber dans le cliché pur et dur. Cette simplicité du fond permet de pardonner un humour moins à propos, qui tombe souvent un peu à plat, et des dialogues eux-aussi moins réussis.
Le bon aloi de Murphy
Le tout est servi par un dessin qui représente tout à fait cette forme de pureté du récit, en noir et blanc peu encombré, avec un vraie patte, une belle impression de mouvement sur certaines planches, même si finalement peu restent en tête et scotchent immédiatement : on appréciera plus la cohérence graphique de l'ensemble, que je ne me hasarderai cependant pas à comparer à d'autres illustrateurs, mes connaissances sur le sujet étant, encore une fois, très lacunaires.
Avec ce premier one-shot, Sean Murphy, sans signer un incontournable, se met en marche pour se faire la main, dans un projet moins ambitieux que ce qu’il pouvait envisager. Loin de le desservir, ce format lui permet d’atteindre le lecteur de manière très directe. Tout n’est pas parfait et on y ressent certaines longueurs ou certaines maladresses, mais l’ensemble est cohérent, simple, efficace, tout en parvenant à installer une certaine identité de l’auteur.