One Piece
7.7
One Piece

Manga de Eiichiro Oda (1997)

Les bons sentiments ne suffisent plus

Le premier et dernier grief pertinent que l'on pourrait apposer à cette critique pourrait être le suivant : il convient d'attendre la fin de l'œuvre avant de prétendre lui attribuer une critique sur sa globalité. On ne commente pas un film que l'on a vu seulement à moitié.
À cela je répondrai que One Piece est terminé depuis longtemps. Nous ne sommes aujourd'hui - alors que la parution hebdomadaire a toujours cours - que les spectateurs impuissants d'un processus de décomposition qui se veut chaque semaine plus insoutenable.


En premier lieu, je m'étais montré disposé à donner quatre étoiles pour la note ; la joie procurée par la lecture de ce qu'on pourrait appeler la première partie du manga valait bien ça. Je me suis alors ravisé. D'abord parce que la poule aux œufs d'or qu'était One Piece n'en finit pas d'être éventrée en vain et ensuite, parce que son succès et sa popularité ô combien injustifiée aujourd'hui valaient bien une étoile de moins. En un sens, c'est dans le cadre d'une démarche iconoclaste que je me limite à trois étoiles. Car One Piece est effectivement devenu une véritable icône qu'il convient de remettre à sa place : six pieds sous terre.


Si l'œuvre d'Eichiiro Oda ne révolutionnait en rien le genre (ce à quoi l'auteur n'a jamais prétendu) il en devenait l'incarnation la plus paroxystique. Le Shônen nekketsu ultime en ce sens où il adoptait tous les codes tout en n'en magnifiant que les meilleurs aspects. En dépit de tout ce que je peux avoir à reprocher au manga, j'admets ouvertement que le comparer à Dragon Ball et en faire un - si ce n'est le seul - successeur légitime n'est pas exagéré.


Que ce soit l'humour réellement spontané et franchement désopilant, le soin apporté aux confrontations capables de se prolonger sur d'innombrables chapitres et l'absence de répit accordé au lecteur : il y a une paternité indéniable reliant les deux œuvres. Ce n'est pas pour rien que les ventes de One Piece ont finalement dépassé celles de Dragon Ball en France.

Car le propos de cette critique n'est pas de cracher sur une idole que l'on a adorée par simple déception mais simplement de creuser une sépulture décente pour une composition dont la souffrance et l'agonie s'obstinent à se prolonger. C'est douloureux de voir ce qu'est devenu One Piece lorsque l'on sait ce que ça a été.


Et qu'est-ce que c'était au juste, One Piece ? Une intrigue admirablement construite ? Pas vraiment, et nous reviendrons plus longuement sur ce point. Des personnages bien construits ? Tous ont leur rôle à jouer mais aucun n'évoluera en terme de psyché. Des antagonistes charismatiques ? Non, non. Ô non. Juste des méchants tout ce qu'il y a de plus banal. Si les personnages principaux n'ont pas droit à des caractères qui sortent des clous, il ne faut pas en attendre davantage de leur environnement direct et indirect.


Jusque là, l'exposé de ce qui a fait la renommée du manga a comme un air de reproche et pourtant, il n'en est rien. Car toutes ces carences s'inscrivent dans un cadre narratif où, non seulement elles n'ont pas d'importance, mais en plus, se trouvent justifiées.

Sans avoir lu toutes les critiques adressées ici à One Piece (qui tiennent plus lieu de festival de la courtisanerie qu'autre chose), j'ai le sentiment que personne n'a réellement capté où se trouvait la clef de voûte de ce qui fit le succès de l'œuvre : l'onirisme.

One Piece, ce n'est pas une aventure de pirates, c'est un conte fabuleux. Et un prenant qui plus est.


Remémorez-vous ces contes classiques auxquels vous n'avez pas pu échapper étant enfants. L'intrigue s'avérait-elle complexe ? Les personnages étaient-ils franchement développés ? Les méchants qui se profilaient sortaient-ils du manichéisme le plus absolu ? À ces questions, la même réponse revient sans cesse : un «Non» catégorique et impitoyable. Est-ce pour autant que lesdits contes et autres fables ne sont pas aujourd'hui légendaires ? Ils le sont devenus car ils ont marqué l'imaginaire.


Comme Dragon Ball avant lui (dont l'histoire originelle se veut sortie d'un conte chinois, celui de Son Goku, l'enfant singe), One Piece relate une aventure fabuleuse, réadaptée, bien entendu. Le manga propose une fable qui mérite de tenir du classique et s'offre à un public populaire. Petit à petit, il fait sa légende. Il la mérite.


Une épopée classique, dans un univers qui se veut franchement féerique. Car en premier lieu, c'est sur l'univers que repose l'imaginaire. C'est loufoque, ça repose sur une magie qui ne dit pas son nom (des fruits qui donnent des pouvoirs, des téléphones escargots et j'en passe), des personnages aux physiques improbables tout droit sortis d'un roman onirique et surtout, une œuvre pétrie de bons sentiments. Car c'est là-dessus que reposent les fables classiques. Ça se veut très généralement bienveillant.


Ça finit bien. Il y a du tumulte, il y a parfois des larmes (de ce côté là, la mayonnaise n'a jamais pris avec moi, exception faite """ des funérailles du Going Merry """ qui valait bien la mort d'Arthax dans les marais.), mais, ça se termine bien. Les gentils prennent toujours le dessus sur les méchants et on a vite-fait de rigoler autour d'un banquet digne d'Astérix.

Mais si les bons sentiments font leur effet sur le lecteur des contes classiques : c'est parce que ceux-ci se terminent bien assez tôt. Or, One Piece a systématiquement capitalisé sur ces bons sentiments qui avaient constitué le socle initial de son succès. La recette a fait florès. Mais à force d'abuser des bonnes choses : le goût se fait de plus en plus anecdotique ; au point, parfois, de vous dégoûter.


L'onirisme perd en substance et laisse place peu à peu à des chroniques prévisibles, répétitives dont ce qui faisait autrefois le sel s'est tari.

Il aurait fallu pour Oda savoir s'arrêter plus tôt ou se renouveler afin que la légende demeure immaculée. Car pour reprendre la comparaison avec Dragon Ball : c'était précisément ce qu'avait su faire Toriyama en son temps.


Plus question de la recherche des Dragon Ball, le tout, entre-mêlé de quelques frasques martiales. Il y a un moment rupture. Le propos initial est totalement mis de côté (pour le meilleur et pour le pire) afin d'aborder une facette différente avec les combats démentiels à compter de l'arrivée de Raditz. Dragon Ball n'a plus grand rapport avec ce qu'il fut autrefois, tant et si bien que son adaptation animée fera la distinction entre Dragon Ball et Dragon Ball Z. L'œuvre avait fait sa mue. Elle conserva ses personnages (et encore) puis, concluant sa saga sur un arc mêlant à la fois l'onirisme magique et l'humour de Dragon Ball avec la gravité de ton et la violence de Dragon Ball Z, elle s'arrêta quand il le fallait : sur un succès absolu. Après quarante-deux tomes. À l'heure où je rédige ma critique, son successeur putatif en est à quatre-vingts-quatorze.


One Piece ne s'est renouvelé en rien. Au mieux, il s'est abâtardi en cédant à quelques poncifs narratifs propres aux Shônens contemporains (l'ellipse qui fut un clou considérable de plus dans le cercueil), mais aucune nouveauté d'un quelconque ordre dans le traitement de son univers.

Oda n'aura su ni se renouveler, ni s'arrêter à temps là où Toriyama avant lui avait su faire les deux. Je n'ai pas employé le champ lexical de la mort lente, l'agonie et la décomposition en préambule simplement pour accrocher le regard, mais à dessein. Nous assistons depuis un certain temps (que nous situerons au niveau de l'ellipse, où la rupture fut la plus franche bien que le phénomène soit antérieur) au pourrissement lent d'un onirisme qui ne se suffit plus à lui-même et cannibalise à outrance sa propre substance pour perdurer. Ce qui en résulte... n'est pas beau à voir.


Même les dessins, dégageant autrefois un aspect plus bon-enfant, aux contours plus arrondis, s'est raidi dans ses traits. Le manga essaie si désespérément de rester ce qu'il a été (en vain) qu'il cherche à renouer sans cesse avec le passé en relançant la même intrigue en boucle.

Après avoir lu ici et là que je n'étais pas le seul à en faire la remarque, je lisais aussi l'avis des détracteurs qui se contentaient de pester simplement que cela était faux. Détracteurs aussi fidèles et bornés que les plus zélés membres d'un culte millénariste. Car du conte, One Piece est passé au culte. D'où l'emploi du terme «iconoclasme» plus tôt pour qualifier mon travail présent.


Non seulement, j'affirme que Oda recycle en boucle ses intrigues (déjà peu élaborées), mais je le prouve.


Parlons de l'arc Alabasta :

  • Les héros viennent en aide à une princesse qui se bat pour sauver son royaume
  • Un capitaine corsaire estimé par la population déstabilise l'ordre sur l'île afin d'asseoir son pouvoir
  • Le capitaine corsaire finit avec les menottes aux poignets.

Parlons de l'arc Dressrosa :

  • Les héros viennent en aide à une princesse qui se bat pour sauver mon royaume (la nuance étant qu'on ne saura que le plus tard qu'elle est de sang royal malgré le caractère éminemment prévisible de la révélation.)
  • Un capitaine corsaire estimé par la population déstabilise l'ordre sur l'île afin d'asseoir son pouvoir (qui se voulait menacé).
  • Le capitaine corsaire finit avec les menottes aux poignets

La différence ? La débauche de puissance qui en devient ridicule et la lenteur propre à l'arc Dressrosa.


J'aurais aussi pu pousser le vice plus loin en mentionnant qu'au cours de l'arc des hommes-poissons, l'équipage de Luffy venait en aide à... une princesse et son royaume. Le déroulé jusqu'à la victoire (évidente) des protagonistes étant de toute manière parfaitement identique.

Encore ? Poursuivons les chroniques du désastre.


Parlons de l'arc Enies Lobby (très bon arc au demeurant) :

  • Un membre de l'équipage quitte ses compagnons.
  • Il le fait sans les en avertir et leur demande de ne pas chercher à le récupérer.
  • En réalité, il le fait pour les sauver. (menaces du CP 9)
  • L'équipage ne l'écoute pas et vient à sa rescousse.
  • Le membre d'équipage verse des larmes à l'arrivée de ses compagnons et finit par rejoindre son ancien équipage après moult péripéties (des combats...).
  • Leurs adversaires ne sont pas intégralement vaincus mais déterminés à prendre leur revanche.

Parlons de l'arc Big Mom :

  • Un membre de l'équipage quitte ses compagnons.
  • Il le fait sans les en avertir et leur demande de ne pas chercher à le récupérer.
  • En réalité, il le fait pour les sauver. (menaces de l'équipage de Big Mom)
  • L'équipage ne l'écoute pas et vient à sa rescousse.
  • Le membre d'équipage verse des larmes à l'arrivée de ses compagnons et finit par rejoindre son ancien équipage après moult péripéties (des combats...).
  • Leurs adversaires ne sont pas intégralement vaincus mais déterminés à prendre leur revanche.

La différence ? La débauche de puissance qui en devient ridicule et la lenteur propres à l'arc Big Mom. Vous saisissez l'idée.

Un onirisme qui cannibalise sa propre substance écrivais-je. Preuve en est faite.

Car en dehors des très grossières redondances du point de vue de l'intrigue, le schéma narratif n'est pas en reste. Si cela a toujours été le cas à compter du premier volume, se voir attribuer le même formatage simpliste encore et encore use et lasse. D'autant plus lorsque l'on voit avec quelle lenteur avance l'intrigue. C'est bien simple, aujourd'hui, trois chapitres de One Piece pourraient aisément être condensés en un seul. Le manga est étiré jusqu'à l'excès, ce qui ne fut pas tout le temps le cas.


La pré-programmation de l'intrigue étant la suivante depuis l'ellipse :

  • Arrivée de l'équipage sur une île
  • Tomber inopinément sur PNJ donneur de quête (50% de chance qu'il s'agisse d'une princesse d'un royaume en danger).
  • Longue période de flottement passée à répéter ce qui a été dit ou rappeler les évidences avant d'entrer dans le vif du sujet.
  • Combat contre les antagonistes. Le plus fort contre le plus fort. Le deuxième plus fort contre le deuxième plus fort. Le troisième plus fort... car, oui, c'est téléphoné à ce point.
  • Victoire. L'arc aura mis deux ans à s'écrire pour ressembler aux autres.
  • Départ vers une nouvelle île.
  • Répéter depuis le début.

Lassant et rébarbatif. L'absence de surprise se veut absolue. Jamais je n'ai compris comment certains pouvaient accoler l'adjectif «imprévisible» à Oda. Quand on voit le ciel se charger et qu'on entend le tonnerre, on sort son parapluie plutôt que de rester bêtement à attendre d'être mouillé. Voilà de quoi est à présent constitué le cheptel des aficionados de One Piece : de gens qui ne comprennent pas que les mêmes causes engendrent les mêmes effets.


Quant à l'humour, je demanderai aux lecteurs de cette critique ayant lu One Piece jusqu'à une date récente de me citer les dix séquences humoristique du manga les ayant fait le plus rire. Une fois cette liste établie, qu'ils me disent combien de ces séquences se situent après l'ellipse.
Je pense ne rien avoir à ajouter, mais mon commentaire s'adresse aussi aux lecteurs n'ayant pas connu l'œuvre. Ce qui fut auparavant hilarant, surprenant même et spontané est aujourd'hui éculé à en détourner le regard tant on cherche à nous forcer les zygomatiques. Là non plus, plus question de se renouveler. On rejoue les mêmes gags ad nauseam qui perdent, chapitre après chapitre, en dynamisme et intensité. Un peu comme Jamel (qui n'a jamais été ma tasse de thé mais qui parlera à tous), nouveau et pétulant en 1998 et beaucoup moins vingt ans plus tard.

One Piece a mal vieilli. Comme vieillirait mal un corps en décomposition qui continuerait néanmoins à bouger. C'est un zombie que l'on voit traîner et qui vide la cervelle de ses lecteurs pour que ceux-ci se retrouvent à le suivre, bêtement, machinalement, par réflexe plus que par volonté.


J'ai arrêté de suivre en ce qui me concerne, l'odeur du cadavre devenait insoutenable.

Après près de cent tomes en volumes reliés, il n'est, à ce stade, plus permis d'espérer un quelconque sursaut nouveau et vivant de cette composition, ou plutôt, de cette décomposition. Puisque l'auteur n'aura pas su faire peau neuve ou s'arrêter à temps, il ne reste à son manga qu'à errer à pas lents (très lents...) jusqu'à une tombe qui n'attend plus que lui depuis bien longtemps déjà. Mais même alors, aucun repos ne lui sera accordé. Car telle la vache-à-lait qu'est devenue Dragon Ball après sa conclusion, on continuera de traire One Piece pour les décennies à venir.


Hélas, les profits valent plus qu'une légende, aussi ternie puisse être cette dernière.

Mise à jour 1 : Pourrions-nous nous attarder une fois de plus sur le «génie créatif» de Eiichiro Oda ? Ce n'est pas tant que j'aime remuer le couteau dans la plaie, mais nécessité fait loi ; et la loi n'a jamais eu un caractère aussi impératif qu'après la promulgation de son article 1044. Car ce génie créatif, les laudateurs exaltés du démiurge présumé, ils m'en ont maintes fois fait la recension ; jamais sans m'apporter l'ombre d'une preuve, mais très souvent en m'admonestant sous les qualificatifs fleuris, les invectives printanières et, parfois, les menaces de mort par messagerie privée.


MàJ 1: Sous le poids de la contradiction, celle-ci se formulant alors sous un amas de bruits, de fracas, de larmes et d'insultes, j'aurais pu courber l'échine. J'aurais même dû. Un peu comme ces peuplades qui, à l'Est du Rhin, furent contraintes de reconnaître le caractère sacré des Évangiles une fois qu'on leur présenta une francisque dont la lame était judicieusement présentée sous leur gorge. Et pourtant, mécréant que je suis, me complaisant dans l'irrévérence comme un vulgaire Français, je persiste et signe mes méfaits. Je les réitère même d'autant plus volontiers - et d'autant plus facilement - qu'on me rend la tâche particulièrement aisée.


Discutons donc de ce fabuleux chapitre 1044 dont les échos me sont parvenus au milieu des larmes et des grincements de dents. Un écho si retentissant qu'il me fallut alors consulter l'ouvrage de mes yeux après quelques plaisantes années d'abstinence One Piecienne. La gabegie qui me fut alors présentée, elle aurait pu me contenter si, jadis - cela fait si longtemps maintenant - je n'avais pas tant aimé One Piece pour ce qu'il avait de vertueux à faire valoir. À savoir, un héritage glorieux mais rudement dilapidé jusqu'à épuiser le moindre de ses atouts.

L'un des derniers mérites dont One Piece pouvait encore se targuer avec un semblant de fierté était d'avoir su faire de son personnage principal un protagoniste qui se sera construit à la force du poignet. Il n'était nulle question d'enfant élu de la prophétie ou d'excentricité du même tonneau mité. Certes, Luffy avait pour lui son ascendance pour le faire sortir du lot, mais elle restait timide. Assez pour qu'on la taise et qu'on ne s'en préoccupe pas.


Mais qui vient poindre alors au chapitre 1044 ? Un profanateur de sépulture ? Un iconoclaste fanatique ? Un pyromane frénétique versé dans la destruction suprême ? Pire encore : le génie créatif de Eiichiro Oda. Vous savez, cet auteur qui a tout planifié de très longue date et peaufiné jusqu'au moindre détail de son œuvre immaculée. Du moins le dit-on. M'aurait-on d'ailleurs donné un centime chaque fois que j'ai entendu cela que j'aurais pu racheter la Shueisha et les droits de One Piece pour que plus jamais un chapitre ne nous parvienne. Car c'est douloureux de voir une hémorragie continuer sans fin.


Grâce à ce génie créatif, vous pourrez donc oublier le Gomu Gomu no Mi, ce pouvoir aux propriétés très simples en appelant à de multiples usages ingénieux ; un pouvoir dont la force reposait avant tout sur un sens de l'astuce de sont auteur plutôt que sur la puissance brute ou la facilité narrative. Car figurez-vous que de Gomu Gomu no Mi, il n'en a jamais été question en réalité. Figurez-vous qu'il s'agissait en réalité du Hito Hito no Mi modèle Nika.
Cela, nous aurions tous pu le deviner de très longue date grâce aux multiples indices subrepticement semés tout le long de l'œuvre. Vous savez, ces faisceaux d'indices tels que..... ou encore.... sans parler de..... Enfin, c'est dire s'ils étaient nombreux. Car, en aucun cas, non, en AU-CUN cas cette révélation ne tombe de nulle part. Ne savez-vous donc pas que Eiichiro Oda est capable - lorsqu'il écrit son récit - de prévoir jusqu'à 2000 chapitres à l'avance ?


Je le dis, cette mise à jour de ma critique est la première d'une longue série. Elle commente ici un énième coup de couteau que l'auteur s'obstine depuis trop longtemps à asséner à sa création. Alors qu'il laminait jusque là la bête pour la faire saigner à torrent, on sent qu'il s'impatiente. Le voilà maintenant qui perfore les organes vitaux de son œuvre. Il lacérera jusqu'au dernier d'entre eux, c'est chose certaine, et je chroniquerai chaque nouveau coup fatal car ceux-ci promettent d'être nombreux et sanglants.


MàJ 2 : Ça a remué. Si, si, j'ai vu le cadavre bouger. En réalité, j'ai davantage ouï une floppée de fidèles nous assurer que cette fois, on allait voir ce qu'on allait voir, que la qualité, ça allait nous surgir nos yeux quand y prenne gare. Je ne demandais pas mieux, aussi j'ai vu ; aussi j'ai lu.

J'ai d'abord survolé tout l'arc Wano - l'arc « Guano » comme je me plais à le rebaptiser devant les fervent zélés du désastre - afin de rattraper prestement le temps perdu. Ou plutôt le temps gagné ; gagné à ne pas avoir mis le nez dans ces immondices semaine après semaine en attendant qu'une odeur de rose s'évade enfin de la cuvette.


Mes remerciements, je les dois au passage au site de la Volonté du D dont le travail commis est admirable. C'est un de ces sites à l'ancienne - un des seuls qui vaillent - que je fréquentais déjà collégien et qui aura su compiler les données et les dossiers de l'univers mieux que quiconque. C'est grâce à ce site que j'ai pu abréger mon calvaire et, ainsi, m'épargner un périple en eaux mortes à lire cet arc long d'une demi-décennie d'où pas un semblant d'âme aura jailli à un quelconque instant.


Le scénario ? Oda tout mis dans la mixture. Tout. Indistinctement et les yeux fermés.

Le meilleur du sucré, le meilleur du salé, le meilleur de l'acide et le meilleur de l'amer, quand on en fait une bouillie, n'engendre à terme qu'une pâte grisâtre et grumeleuses dont on ne retirera qu'une saveur infecte. Et du meilleur, ce n'est d'ailleurs par de ça qu'il était parti, loin s'en faut.

Wano, c'est l'arc du détour permanent ; là où les circonvolutions y sont aussi légions qu'accessoires. La plume de l'auteur aura zigzagué cent fois pour parvenir à un point qui aurait pu être plus aisément atteint s'il avait tracé une ligne droite. À chaque chapitre sur lequel on s'attarde, on le sent, on le sait... la Shueisha y est en maraude. Je sentais le souffle rauque et inquiet de ses éditeurs qui, lorsque la poule aux œufs d'or cessera de pondre, souffrironnt d'une baisse de dividende. Alors on aura étiré l'intrigue le plus possible ; jusqu'à la déraison, jusqu'à la lassitude, jusqu'à ce qu'on acheva enfin les dernières bribes de crédibilité dont pouvait jouir l'œuvre. Le nectar One Piece, la Shueisha l'aura tellement coupé à la flotte qu'on ne perçoit plus à terme que le goût de l'eau.


Le globiboulga est informe, l'humour déficient et loupé, les protagonistes y sont mièvres et oubliables, le contexte, les enjeux... rien n'a d'intérêt au milieu d'une agitation vaine en laquelle on ne peut même pas faire semblant d'y souscrire.


Ouvrez les tomes récents, ouvrez les premiers et comparez ; constatez. Constatez à quel point l'auteur a salopé son trait, sa pagination ainsi que son style.

Quand à l'époque - la belle époque - les cases y étaient aérées, le style plus rondouillard et onirique - on y revient - le souffle de l'aventure, l'exclamation de rires sincères, tout cela nous parvenait si vite et si bien. Moult impies nous soutiennent à chaque semaine qui passe qu'Oda est un génie... rien n'est moins vrai, sauf en des domaines dont ils n'ont jamais su apprécier les mérites à leur juste valeur. Le dessin d'Eichiiro Oda, à ses débuts et sur longtemps - jusqu'à l'ellipse pourrait-on dire - avaient l'arôme du vrai, de l'authentique et de la légèreté ; cela, en dépit de l'évolution du style de son auteur.


Aujourd'hui ? Tout y est lourd. Non pas lourd d'une ambiance pesante, mais lourd d'une saturation qui vous met le cœur au bord des lèvres de trop vous gaver les prunelles. Des combats, vous en avez vu durant l'arc Wano ? Moi pas. Je n'ai rien vu d'autre non plus. Car le dessin y est saturé au point d'être vomitif à la lecture. Il y a trop d'éléments dessinés dans les cases - et mal - assez en tout cas pour nous étouffer. Tout y est brouillon, fouillis et indistinct au milieu d'un agglomérat de traits d'où on ne sait plus trop quoi distinguer. Les combats, jadis gorgés d'inventivité ne sont alors plus que des concours de patates et d'explosions entremêlés de power-up injustifiés qui, chaque fois qu'ils s'annonceront sans s'être déclarés préalablement, vous feront lever les yeux au ciel jusqu'à vous en décoller les rétines.


Passer d'un volume récent à l'un des premiers que la saga ait pu produire, à n'en point douter, vous collera aux tripes une sensation de vertige soudain. Voyez mes bons sires, voyez à quel point nous sommes tombés de haut. « Évolution du style » me dirons les virtuoses de l'euphémisme bienséant ; « involution du style » leur répondrai-je. Toriyama - encore lui - avait lui aussi perpétré cette mue stylistique dans son œuvre... à peu de choses près que lui parvint à nous gratifier de deux styles aussi délectables l'un que l'autre dans leur registre respectif. Oda, sa mue stylistique, elle n'aura abouti qu'à une fausse couche difforme et confusément agitée pour mieux y multiplier les élans d'inanité.

Certains croient faire honneur à Oda en poursuivant leurs dithyrambes indues à son endroit ; ceux-là ignorent alors que, ce faisant, ils crachent sur ce qui fut glorieux pour ne finalement encenser sa pourriture manifeste.


Bonus : https://www.bfmtv.com/people/bandes-dessinees/quand-la-gendarmerie-nationale-detourne-un-chapitre-inedit-de-one-piece-pour-son-recrutement_AN-202203260117.html

Josselin-B
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le 2 mai 2023

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Josselin Bigaut

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