Un salon d'expérimentation du manga (mais quand les idées ne viennent pas de Murata)

Je cite mon commentaire sous la critique de Josselin Bigaud, ça synthétise bien mon avis sur l'oeuvre (ou la non-œuvre ?)

"OPM ne doit pas être pris pour un récit classique, en tout cas il est bien pauvre en tant qu'histoire, je suis d'accord. Là où OPM brille, c'est en tant que salon d'expérimentation. Comme un documentaire au cinéma.

OPM expérimente des formes, des structures de récits, des personnages. Des fois c'est mauvais (Genos, l'arc du vaisseau alien) et des fois, c'est bon (KING, le parcours de garou etc...). L'ensemble est incohérent mais ce genre d’œuvre peut faire avancer le medium formellement.

Et Murata en profite bien, il s'en donne à cœur joie et je parcours ces pages avec admiration. Juste en exemple, la représentation des arts martiaux, chaque style est représenté de manière différente et a donc une identité visuel propre (contrairement à DB qui est uniforme à quelques exceptions près). Le style de Murata est une bonne raison de s'arrêter sur le manga.

https://youtu.be/i1vtai1iJv0

(D'ailleurs Mob Psycho 100 doit être la version abouti et monté en récit du concept d'OPM)

Bref, OPM n'est pas totalement à jeter, il y a des fulgurances formelles dans l’œuvre et dans son utilisation du gimmick. OPM a été malicieusement marketté pour marcher, parce que ce genre d’œuvre ne connaît pas le succès habituellement, mais je n'en vois pas le mal car ça donne de la lumière à des formes nouvelles.OPM n'est bon ni en tant que récit, ou de parodie de récit, mais en tant que salon d'expérimentation"

MAJ decembre 2022 : Murata a pris les rênes du scénario pour la version refaite, et c'est d'une banalité sans nom. Maintenant on a un manga avec univers, personnage et intrigue, creux (parce que parodique à la base) mais qui essaye de se prendre au sérieux avec des shémas narratifs éculés (putain la fin de Garou sans déconner, a t-on déjà vu un arc de rédemption plus copié ??). L'expérimentation du scénario est **morte** avec Murata. Reste la mise en scène des combats qui est spectaculaire mais vu que le manga est assez ordinaire (en terme de mise en scène) le reste du temps, ça ne suffit plus. J'apprécie encore le manga dans ce qu'il a voulu proposer. Murata, pitié reste juste dessinateur à l'avenir.

Pour la suite, ce sera juste une liste des expérimentations intéressantes d'OPM, la liste sera mise à jour dès que je verrais d'autres trucs.

- KING, le comique vivant
King n'est pas juste un gimmick sur patte ou juste un archétype qu'on moque. King, comme d'autres personnages du manga, sont des gimmick qui se demande ce qu'ils font là, et qui interagissent avec le monde. On part du concept, un mec faible qui se fait passer pour un héros super fort, qu'est ce qu'on en fait ?
- on lui invente des techniques débiles (moteurs de KING)
- on donne à tous les autres personnages des biais de confirmation, ce qui donne des sur-interprétations grotesques à chacun des gestes de KING
- des quiproquos évidemment
- on décide que c'est un mec peureux et stressé qui essaye de se relaxer avec des astuces de développements personnels, des trucs d'humilité du type "je suis juste un nuage" ou "Je ne suis qu'un microbe"
C'est un exemple formidable de fructification à partir d'un gimmick, qui résulte de la mise en situation du personnage (les mises en situations précèdent la liste de caractéristiques). Ce qui est drôle, c'est pas juste le gimmick mais les situation absurdes.
Remarque : graphiquement c'est formidable, KING est présent presque uniquement en gros plan sur son visage, pour lui donner énormément de présence (trop). Le moteur de KING remplit la case de l'onomatopée et encombre les cases, ce qui en fait des cases... assourdissantes ? excellent concept.

- Garou, la fatalité
Bon je dois admettre que je préfère le développement du Webcomic (bien que imparfaite aussi), où Garou montre sa cruauté envers les héros de classe S. La version de One me paraît plus banal, avec la relation maître-élève plutôt ennuyante avec Croc d'argent. Reste que, dans les grandes lignes, le parcours de Garou est une bonne idée dans le manga.
- Garou l'anti-héros d'OPM, Garou mène des combats acharnés où il ressort plus fort, défend sa conception de la justice, est même l'enfant maltraité qui veut prouver que la société a tord. Au fil de ses combats, on s'attache à lui, et on souhaite le voir sortir victorieux de ses combats les uns après les autres. Il bénéficie derrière lui de l'effet héros, le point de vue interne fait qu'on le supporte.
MAIS on sait, c'est sûr, il se fera battre par Saitama en un coup, il n'y a aucun échappatoire. Il n'y échappera pas, pas plus que les autres. Il y a ce plafond de verre impossible à briser pour tous les personnages du manga, personne ne sera plus fort que Saitama, un mec sans ambition, avec une idée de la justice défaillante, une morale questionnable.
Garou (dans ses prémices) veut montrer que les méchants peuvent gagner, que lui ne perdra pas. Que sa force saura s'élever au-dessus de la moralité, le plus fort vaincra, et le plus fort sera méchant cette fois-ci. Mais c'est impossible, il devient lui-même ce vilain perdant. Le "bien" possède cette aura protectrice qui la rend invincible, Garou est prisonnier de son statut d'adversaire de Saitama.
Saitama devient l'injustice, Garou qu'on supporte ne peut rien faire face à cette puissance absurde, il n'y a rien à faire...
- Garou (du webcomic), loin de n'être qu'un vilain, révèle une part d'humanité qui ne joue pas dans la résolution de son combat contre Saitama, Garou ne devient pas gentil avec les mots doux du gamin.
En fait, Il perd toutes ses résolutions après sa défaite contre Saitama, n'a plus de motivations et, grâce au gamin, en retrouve une : celle d'avoir une vie normale.
- J'aimais bien la relation froide entre Garou et croc d'argent, caractérisé par la violence extrême de Bang pour venger son disciple charanko et par Garou qui le traite de "vieux le plus chiant du monde".
- Garou contre les héros de classe A doit être mon combat préféré de shonen avec le combat Meruem/Netero. Une intensité folle, un combat jubilatoire avec beaucoup de matière : les armes des héros, les flèches, de la destruction d'arbres etc.