Je suis bien entendu sensible au discours anti-militariste véhiculé par ce manga du grand Shigeru Mizuki (d'autant plus que l'auteur, qui a participé aux combats de la Guerre du Pacifique connaît bien son sujet...et y a même perdu un bras!). Pas de problème de ce point de vue là!
Mais soyons honnête, au-delà du capital-sympathie que génère spontanément le titre du fait de son discours général: il s'agit d'une pure et simple catastrophe sur le plan formel! Certes, Mizuki n'est pas le plus grand dessinateur qui se soit essayé au manga (loin de là), mais il a tout de même produit des mangas d'assez haute tenue sur le plan esthétique (cf. une grande partie de son travail autour des Yokai, pour ce que je connais le mieux). Or, ici, des personnages absolument tous semblables (sur un fond et des décors pourtant parfois ultra-réalistes...), un découpage et un rythme totalement à la ramasse (pour un long ouvrage...), une difficulté (récurrente) de l'auteur à retranscrire toute scène d'action, rendent la lecture extrêmement laborieuse et irritante pour le lecteur d'aujourd'hui. Le livre m'est littéralement tombé des mains. A vrai dire, je n'ai même pas eu le courage d'aller jusqu'à la fin (celle-ci nous étant de toute façon annoncée dès la préface avec la discussion autour du concept de Gyokusai - en gros, la préférence pour la mort plutôt que la reddition, sujet également exploré et illustré dans un (bon) film comme Lettre d'Iwo Jima de Clint Eastwood).
Difficile de replacer exactement cette œuvre dans la carrière de Mizuki à partir des infos dispos sur internet (a priori plutôt de milieu de carrière dans les années 1970) [N.B.: j'apprends dans un des numéros de la très bonne revue de manga Atom que ce manga est paru en 1973, à une époque où, dans la lignée des mouvements étudiants post-68 et des critiques radicales de la guerre au Vietnam, les mangas traitant de la WWII assument une tonalité largement plus critique (le manga Gen d'Hiroshima commence à paraître la même année que ce Opération mort - et la série paraîtra par la suite de 1973 à 1985) que ce qui avait été le cas auparavant (la période 1957-1967 avait ainsi été au contraire plutôt marquée par des œuvres largement complaisantes et révisionnistes vis-à-vis du militarisme nippon et de son rôle pendant la guerre mondiale]. Il est en tout cas dommage qu'un manga où l'auteur a véritablement mis ses tripes (comme rappelé dans une citation en introduction) débouche sur un résultat si décevant, à des kilomètres des meilleurs mangas du maître...