Après une courte incursion dans le fantastique pur, où Lefranc et Jeanjean auront affronté rien de moins que Satan en personne, retour à la normale dans une aventure digne de Tintin et de James Bond. Retour à la normale signalé d'ailleurs par le retour d'Axel Borg, ennemi juré de Guy Lefranc, absent des précédents albums.
Retour à la normale, certes, mais avec une dimension aussi biblique qu'épique au service d'une mosaïque de références !
L'Île noire de Tintin, par exemple, car l'Opération Thor est très semblable à celle du Dr Müller affronté par le journaliste belge, lui-même physiquement très proche d'Axel Borg.
La différence réside dans une intrigue par plus réaliste, qui vire lof pour lof vers une autre référence: Vingt Mille lieues sous les mers de Jules Verne ! En effet, cette fois, Axel Borg joue les Capitaine Nemo à bord de son Nautilus et kidnappe ses deux ennemis pour en faire ses Aronnax et Conseil, prisonniers de son navire pirate.
Les références ne s'arrêtent pas là: le navire de Borg recèle un sous-marin est s'inspire assez clairement du vaisseau-gadget Disco Volante du méchant qu'affronte James Bond dans Opération Tonnerre, Emilio Largo ! Cette nouvelle référence, plus cinématographique se manifeste jusque dans le titre: Opération en facteur commun et Tonnerre/Thor, proches dans leur réalisation sonore, doivent cette ressemblance à l'origine du nom divin: Thor venant de Donner, qui signifie Tonnerre.
Opération Tonnerre n'est pourtant pas la seule référence bondienne de l'album: Axel Borg, agent d'une nation ennemie floue cherche à déstabiliser l'Ouest au moyen d'une inflation économique qu'il entend provoquer en écoulant une massive vague de fausse-monnaie. Il peut être en cela rapproché d'Auric Goldfinger, méchant éponyme d'un des plus célèbres James Bond (et sans doute, le meilleur), qui cherche à irradier la réserve d'or internationale du Fort Knox pour faire grimper la valeur de son stock tout en aidant la Chine à déstabiliser l'Ouest. Ces manoeuvres de Borg et Goldfinger ne sont pas sans rappeler l'historique, authentique et terrifiante Opération Bernhard, une tentative nazie d'écouler à l'aide de fausse bombe des faux billets en Angleterre !
Et, couronnant l'ensemble, cerise sur le gourmand gâteau, le retour d'Axel Borg permet enfin au lecteur de savoir comment il s'est échappé à la fin du Mystère Borg ! Cela dans un récit survenant après deux albums entretenant le suspens, comme le fait le Chien des Baskerville d'Arthur Conan Doyle entre Le Dernier problème et La Maison vide.
Ce patchwork prend des allures bibliques et même épiques quand tout ce récit, sous le marteau du dieu scandinave bien connu, s'annonce comme une potentielle apocalypse financière, dont Borg est le Cavalier rouge qui sème la fièvre acheteuse et le conflit, la guerre économique. Lefranc choisi pour en être le témoin avec Jeanjean: un Jean, qui de mieux pour assister à une apocalypse biblique ?
Un album donc particulièrement intéressant pour peu que l'on aime l'espionnage, que l'on soit sensible à l'intertextualité. Son principal défaut, outre une fin souvent jugée précipitée, victime du format de pages réduit, c'est un retour un peu faiblard d'Axel Borg, qui, s'il dispose d'un flegme et d'une aura intéressante, joue un peu les laquais d'une puissance inconnue. Ce qui se marie mal avec sa stature affichée de dieu ou diable.
Tonnerre!
Allez tout de même le lire, à la vitesse de l'éclair !