Montre toi mais reste invisible, que ma lame déchire le voile de l'obscurité

C'est par une soirée enneigée comme celle-ci, il y a trente ans, que les machoîres d'Yjgrun se sont refermés sur moi... C'était le jour de mes six ans. Et depuis, elles ne m'ont plus laché. Cette chandelle... Je vois que tu as toujours peur des ténèbres, tu as raison de les craindre... Pourtant ce n'est pas cette petite flamme qui pourra te protéger. Je le sais, j'en reviens. Tann, ma chère soeur... Si tu savais combien ton souvenir m'a été précieux toutes ces années. Sans toi, je ne serais plus rien... Rien qu'un assassin sans âme.

On poursuit avec les Éditions Soleil l'incursion dans l'univers mouvementé des terres d'Arran formant un héroïc fantasy d'une richesse insoupçonnée avec " Nains ", situé dans la passionnante franchise " Elfes." Après avoir exploré l'ordre de la Forge avec Redwin, appartenant à l'une des cinq factions du pouvoir Nain, comportant en plus l'ordre du " Talion ", l'ordre du " Temple ", l'ordre du " Bouclier ", et l'ordre des " Errants ", nous voici plongé dans la ligue des assassins avec l’ordre du Talion.

Nains : Ordre du Talion est un second tome dans la droite lignée du premier volume également écrit par Nicolas Jarry qui approfondi sa fresque épique. On découvre un ordre à l'opposée de celui de la Forge, délaissant tout honneur pour le profit. Si la Forge fait tout pour mettre en avant sa puissance par une démonstration de force constante via des duels avec des armes toujours plus puissantes pour assurer fièrement son honneur, avec l'ordre du Talion l'on explore une tout autre philosophie de vie. Le monde implacable et vénéneux de l'ombre, détenu par les commerçants, les banquiers et les négociants. Un ordre convoité de tous pour ses richesses qui détient son appellation de l'antique pièce d'or des Nains. Pour eux, le pouvoir d'un nain ne se mesure pas à la puissance de celui-ci, ni à sa lignée, ni à sa longue barbe, ni au fil de sa lame, ou même à sa fortune, mais aux secrets qu'il détient. La détention des lourds secrets de chacun pour assurer le pouvoir en faisant agenouiller les plus fort. Le monde de l'information, de l'immondice, de l'excès, de l'immoralité et du meurtre assuré par la Loge noire, une branche secrète de l'ordre qui forme des assassins impitoyables dépourvues de toutes pitiés afin d'éliminer ceux qui s'opposent de près comme de loin au Talion.

C'est dans ce contexte que l'on suit Ordo qui fut offert à l'age de 6 ans par sa famille à la Loge Noire comme la coutume le veut lorsque l'on est le sixième fils (ou fille) de la fratrie, né le sixième jour de la sixième lune. De fils d'Urus de la puissante maison d'Ettorn, Ordo contre son gré devient personne et va suivre une éducation dogmatique sans morale conforme à leurs propres convictions pour le transformer en assassin de l'ombre. Une formation tortueuse, rigoureuse, acharnée et insensible où 98% des enfants sélectionnés meurent durant l'initiation. Une instruction qui commence avec la Cité des Sang-Mêlés où les enfants sont abandonnés durant six ans dans les rues les plus miséreuses et dangereuses, où le meurtre, le viol, le vol et les trahisons sont monnaies courantes. Une éducation spartiate, qui n'est pas sans rappelé l'agogé dans le film 300, où les enfants arrachés a leur famille à l'age de 7 ans suivent une formation militaire des plus dure où a l'issu de celle ci ils resortiront spartiates ou n'en ressortirons pas vivant. Un endroit terrifiant qui selon Ordo pourrait filer la courante à un seigneur de bataille constipé. Une vie de servitude qui va le façonner, mais qui ne parviendra pas à annihiler ses espérances. C'est ainsi qu'il va s'opposer à l'ordre en formant une team très appréciable avec Heba et Panham (accompagné de son dragon Hurlevent), malheureusement son maître Abekash ne l'entend pas de cette oreille.

Nicolas Jarry propose un scénario très sombre à travers une histoire d'aventure dynamique surprenante notamment durant sa finalité qui ne manque pas d'idées. Le relationnel des personnages est expressément recherché à travers l'application d'une dramaturgie finement élaborée par le biais du ressentiment. Le vocabulaire, les appellations, les dogmes et les légendes sont ingénieusement développés, conférant une crédibilité et une authenticité qui nous encourage à davantage croire dans le vécu d'Ordo, mais aussi dans la conception de l'univers d'Arran. Pierre-Dennis Goux cède sa place de dessinateur à Stéphane Créty qui vient efficacement gommer les petites critiques que j'avais pu formuler à l'égard des dessins de Goux pour Redwin de la Forge. Créty signe une magnifique mise en page en parvenant remarquablement à retranscrire le sens de l'aventure sous des décors fabuleux favorisant des ambiances uniques. Un trait remarquable qui retranscrit avec dextérité le mouvement et les traits des personnages avec de splendides citadelles et châteaux comme avec la place forte au Nord de Drus'Ubak, la Cité des Sang-Mélés, le Fort Draz coffre-fort de l'ordre du Talion... Une belle fresque avec des séquences de vols à dos de dragon impressionnantes. Néanmoins, il n'aura pas échappé au lecteur que les duels sont bien moins impactant et destructeur que dans le tome d'avant qui réduisait tout à l'état de folie furieuse. Un bouleversement que l'on doit au traitement de l'histoire qui tourne davantage dans la subtilité avec le monde des assassins, offrant tout de même d'excellentes scènes comme avec l'infiltration du Fort de Draz.

CONCLUSION :

Nains tome 2 : Ordo du Talion, des Éditions Soleil toujours écrit par Nicolas Jarry propose une suite efficace qui s’attarde sur la ligue des assassins de l’ordre au cours d'une quête distrayante et fascinante à la fois dans laquelle l'on va explorer davantage l'univers passionnant des terres d'Arran. Bien qu'Ordo soit un personnage bien moins impactant que ne l'était Redwin, l'on suit avec engouement son récit tortueux que les dessins de Stéphane Créty viennent sublimer.

Encore un récit dont on tourne allègrement chaque page et qui nous motive toujours plus à poursuivre le périple des nains.

Je pourrais prétendre que j'éprouvais du remords à tuer... Mais ce n'était pas le cas. Ni joie, ni remords. Je n'étais pas un guerrier, je navais pas de code d'honneur, pas de cause à défendre. Lorsqu'une personne était désignée, elle mourrait. Je n'étais qu'un instrument, une lame froide et parfaitement affuté. Des courtards mouraient tous les jours sans raison particulière, que ce soit de maladie, d'accident, ou d'une lame dans la tripaille. Tout le monde pense avoir un destin... Rien n'est plus faux, je le sais, je l'ai compris en voyant tant d'hommes et de femmes calacher ! Leur regard exprime toujours la même question : Pourquoi moi ? Qu'ai-je fait ? En vérité, il n'y a pas de réponse à ces questions... c'est peut-être ça le plus terrifiant.