Voilà bien longtemps que Franquin en a marre de la série Spirou et Fantasio, essentiellement parce que les personnages ne lui appartiennent pas. Ils les a juste reçu en héritage, mais ils n'ont jamais été complètement à lui.
Il était pourtant très attaché à la série, car c'est bien Franquin qui en a développé l'univers loufoque entre réalité et rêverie; c'est bien lui qui a créé Champignac, le marsupilami, le maire de Champignac, Zorglub, et a donné à la série ce coté SF déjanté ainsi que ses lettres de noblesse. Quitter définitivement la série c'était également quitter tous ces personnages, et ce n'est pas pour rien que l'ami André a continué pendant si longtemps à la dessiner, malgré le travail considérable qu'il avait en sus avec Gaston, Modeste et Ponpon, et tous les autres trucs qu'il faisait pour le journal de Spirou.
C'est donc au bout de vingt et une années (et près de mille planches) à accompagner ces personnages que Franquin décide de mettre un point final à la série. Il sait que Panade à Champignac sera la dernière histoire de la série qui bénéficiera de son coup de crayon.
Pour achever la série, il fait appel à Peyo le papa de Johan et Pirlouit et des Schtroumpfs, et à Gos, le papa du Scrameustache, qui l'un comme l'autre avouent qu'lls n'ont pas fait grand chose à part lui dire qu'il était sur la bonne voie, et que ça ne méritait pas tellement un crédit. Franquin tournait tellement en rond que les conseils de ses amis se sont avérés libérateurs, et tout comme Zorglub retombe en enfance, Franquin récupère une joie enfantine lors de la réalisation de cette dernière histoire
Il s'amuse donc à l'évidence dans ce Panade à Champignac délirant qui ressemble plus à une succession de gags qu'à autre chose. Mais comme Franquin,on s'y amuse beaucoup et on rit souvent face à l'absurdité des situations qui s’enchaînent sans beaucoup se préoccuper d'une ligne narrative quelconque.
Bizarrement, cette liberté retrouvée qui dynamite les conventions de récit, y compris avec une fausse fin qui brise le quatrième mur, fait beaucoup pour donner tout son charme à ce Panade à Champignac drôle, et délirant.
L'album sortira avec en ajout l'excellent Bravo les Brothers, sorte de crossover entre une aventure de Spirou et un long gag de Gaston Lagaffe. Franquin y dessine avec passion les gags les plus farfelus en rapport avec des singes savants (les expressions des singes ou la mine dépitée de Fantasio sont admirables) qui viennent dispenser leur tours et mettre un peu plus le souk dans une rédaction de Spirou qui n'en avait pas besoin.
Franquin conclu donc son travail sur la série avec un album réjouissant dans lequel on sent le plaisir retrouvé, sans doute car tout cela ressemble bien plus à ce qu'il fera où ce qu'il a déjà fait dans le reste de sa carrière avec les gags de Gaston Lagaffe.