Brutal
La première chose qui tape en ouvrant cet album, c’est les couleurs, une palette invraisemblable, surréaliste et virevoltante.Un western avec des indiens et des chasseurs de primes sans scrupules au...
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le 28 sept. 2024
Dans un décor typique du Far West, du genre vallée de la mort, deux hommes à cheval sont à la poursuite d’un autre, également à cheval. Tous trois sont des chasseurs de primes qui visent les 5 000 dollars annoncés pour la capture d’un certain Big Hand. Les protagonistes se déplacent dans une réserve indienne qu’ils considèrent comme désertée par les Comanches.
Quel beau métier que celui de chasseur de primes… Pour s’approprier les 5 000 dollars promis, trois hommes pourraient s’entretuer pour un quatrième qui doit être plus ou moins du même acabit. Au détour des conversations, on apprend que le duo en poursuite est constitué de deux frères nommés Tavez et Porti. Visiblement Porti le plus mince dirige et Tavez l’enveloppé suit parce qu’il manque d’intelligence et de lucidité. Quant à celui qu’ils suivent, tous le connaissent sous le nom de Pastorius Grant. Un pasteur chasseur de primes ? Évidemment non, l’homme n’est pas plus pasteur que vous ou moi. Mais il faudra attendre la fin pour mieux comprendre pourquoi il se fait appeler ainsi. Et puis, au début, il n’est pas seul puisqu’il a capturé Big Hand et le traine, ficelé… Depuis deux jours, Big Hand suit Pastorius Grant à pied, contraint et forcé. Pastorius Grant comme Tavez et Porti arborent de grosses moustaches épaisses, à la mexicaine. Enfin, élément fondamental de l’intrigue, Pastorius Grant tousse méchamment. A tel point qu’on le sent au bout du rouleau.
Une rencontre
Alors que Pastorius Grant tente de s’organiser, il tombe (à moins que ce soit l’inverse) sur une gamine qui se déplace en compagnie d’un gros cochon dont elle dit que c’est tout ce qui lui reste de son père. Bizarrement, elle annonce qu’elle cherchait Pastorius Grant, celui-ci pouvant venger son père. Évidemment, Pastorius Grant a bien autre chose en tête que d’apporter son aide à une gamine dont il ne comprend pas trop ce qu’elle veut, nous non plus d’ailleurs. Encore une fois, il faudra attendre la fin pour mieux saisir le pourquoi du comment. Le fait qu’elle soit aveugle n’explique pas tout, loin de là. Et puis, la donne va se trouver bouleversée par l’irruption de Comanches…
Un style bien particulier
De ce petit roman graphique (114 pages) on retient surtout son traitement graphique vraiment particulier, qui saute aux yeux dès l’illustration de couverture, avec ses couleurs vives. Des couleurs qu’on retrouve tout au long de l’album, ce qui colle plutôt bien à la région où se situe l’action, écrasée de chaleur, sous un soleil de plomb. Le style du dessin frappe également et peut rebuter voire même dissuader de se lancer dans cette lecture. En effet, Marion Mousse (scénario, dessin et couleurs) exécute ses dessins à coups d’aplats particulièrement épais, façon aquarelle me semble-t-il. Mais, contrairement à ce que les aquarellistes apprécient généralement, ici il use et abuse de couleurs particulièrement vives, limite agressives. Et si cela correspond bien à l’atmosphère de la région, cela correspond aussi aux caractères des personnages. Quant à l’épaisseur du trait, elle s’accorde avec la grossièreté des caractères des protagonistes. Ce style qui fait la part belle aux paysages, on finit par l’apprécier, surtout que de nombreuses planches ne comportent aucun dialogue, tout en privilégiant une organisation générale de très bonne facture. En effet, la variété de tailles et dimensions des dessins donne une bonne respiration à l’album, sans oublier de mettre en valeur certains moments clé de l’intrigue.
Particularités du scénario
La simplicité apparente de la situation de base va voir de vraies évolutions qui bouleversent régulièrement nos premières certitudes. Comment la gamine, aveugle rappelons-le, sait-elle qu’elle aborde Pastorius Grant ? D’où sort-elle, accompagnée de son cochon ? Que penser exactement de ce lieu vénéré par les Comanches, à cause de cet immense rocher qui tient en équilibre dans le vide, ainsi que nous le montre l’illustration de couverture ? Quant à Pastorius Grant, sur son revolver on observe une croix qui doit constituer la raison pour laquelle l’homme est ainsi désigné. Mais, bien entendu, l’histoire réelle de l’homme et de son revolver n’est pas si simple que cela. L’album ne manque pas de péripéties, certaines crédibles et d’autres moins. Au crédit du dessinateur, on peut lui accorder le fait qu’il maintient un beau suspense, jusqu’à une séquence en forme de révélation finale qui donne à réfléchir. A mon avis, elle est forcément à placer dans le passé de Pastorius Grant, mais je n’arrive pas à décider si je dois la considérer comme un rêve de celui-ci ou bien juste un souvenir qui remonte à la surface de sa conscience. Bref, sans qu’elle soit bancale, elle ne me convainc pas pleinement, parce qu’elle n’explique pas tout. Ainsi, je me demande comment la gamine a vécu depuis qu’elle est sortie du berceau. Qui l’a éduquée ? Comment a-t-elle pris connaissance de la volonté de vengeance de son père ? Aurait-elle été élevée par des Indiens qui l’auraient recueillie ? Certains points restent à creuser. D’ailleurs, le rôle des Indiens dans cette histoire n’est pas franchement clair, même si on comprend que les colons les ont pervertis pour exploiter les richesses de leurs terres. Mais, pourquoi les chasseurs de primes considèrent-ils, à tort, que les Indiens ont déserté la région depuis longtemps ?
Critique parue initialement sur LeMagduCiné
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Créée
le 30 juin 2024
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