Avec Pavillon noir !, deuxième tome de la série De cape et de crocs (1997), Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou livrent une aventure aussi audacieuse qu’extravagante, où l’esprit drolatique des Fourberies de Scapin croise l’épée avec l’épopée maritime. Préparez-vous à embarquer sur un navire où les voiles sont gonflées par des vers élégants et des vents d’humour, avec des personnages qui brillent comme des joyaux dans l’écume.


L’histoire suit nos deux héros, Don Lope de Villalobos y Sangrin, un loup fier et noble, et Armand Raynal de Maupertuis, un renard aussi rusé que galant. Ce duo improbable se retrouve mêlé à une aventure où les pirates, les trésors et les rivalités amoureuses se télescopent dans un maelström de péripéties rocambolesques. Mais là où d’autres récits de flibuste seraient simplement bruyants, celui-ci est d’une finesse rare : chaque réplique, chaque coup d’épée, est une chorégraphie littéraire.


Le texte d’Alain Ayroles est un bijou d’écriture. Avec ses dialogues en alexandrins, ses joutes verbales dignes des meilleures comédies de Molière, et un humour aussi affûté qu’une rapière, l’histoire oscille entre l’éclatant et l’émouvant. Les références littéraires et historiques se mêlent avec une légèreté déconcertante, offrant plusieurs niveaux de lecture : de la simple aventure à la satire sophistiquée.


Graphiquement, Jean-Luc Masbou sublime cette épopée avec un trait riche et élégant. Les expressions des personnages, les décors somptueux et les scènes d’action pleines de mouvement transforment chaque page en un tableau vivant. Les animaux anthropomorphes, loin de sombrer dans le caricatural, gagnent en profondeur et en humanité, rendant leur monde à la fois fantaisiste et crédible.


Le véritable point fort de Pavillon noir !, cependant, est son ton. Rarement une bande dessinée a su jongler avec autant d’élégance entre l’épique et le burlesque. Le récit navigue entre la gravité des dilemmes moraux et les éclats de rire provoqués par des situations absurdes ou des personnages secondaires irrésistibles. Mention spéciale à Eusèbe, le petit lapin plein de courage, qui vole souvent la vedette par sa naïveté héroïque.


Certains pourraient reprocher à l’œuvre une densité textuelle qui peut freiner les amateurs d’action pure. Mais ce serait passer à côté de ce qui fait l’essence de De cape et de crocs : une richesse narrative et visuelle qui invite à savourer chaque page comme une pièce de théâtre captivante.


En résumé, Pavillon noir ! est un chef-d’œuvre d’esprit et d’aventure, où les mots et les images dansent avec grâce. Ayroles et Masbou nous rappellent que l’humour et la poésie peuvent transformer une simple quête en une véritable odyssée. Montez à bord de ce navire, hissez les voiles, et laissez-vous emporter par une tempête de génie. Une perle rare dans l’océan de la bande dessinée.

CinephageAiguise
9

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le 12 déc. 2024

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