Pour les adeptes de grands espaces...
Patrick Prugne est un auteur dont j’ai lu peu d’ouvrages. Néanmoins, chaque membre de sa bibliographie que j’ai eu le plaisir de tenir dans mes mains s’est avéré un voyage intense et envoutant. « Canoë Bay » et « Frenchman » sont deux bijoux du neuvième art. Ainsi, ma joie fut grande lorsque j’appris que « Pawnee » offrait une suite au deuxième opus cité au moins d’août dernier. La possibilité de m’immerger à nouveau dans cette Amérique sauvage du début du XIXe siècle.
Comme pour les précédents albums évoqués, celui-ci est édité par Daniel Maghen. Il s’agit d’un objet sublime dont le contenu se découpe en deux parties. La première, composée de soixante-quatorze pages, nous conte les pérégrinations du héros dans sa quête. La seconde est un cahier graphique de vingt-huit planches nous faisant découvrir le travail de l’auteur pour construire l’univers de son œuvre.
La quatrième de couverture nous offre les mots suivants : « Rivière des Moines, Ouest du Mississipi, juin 1811. D’autres vous raconteront cette histoire… Mais pour moi qui l’ai vécue, je sais que ce n’est pas une légende. »
La couverture annonce « L’aventure Frenchman continue… ». Il n’y a pas tromperie sur la marchandise car la trame reprend les personnages à l’endroit où nous les avions quittés lors du dénouement de l’épisode précédent. En ce sens, il me paraît pertinent de l’avoir lu récemment pour maîtriser tous les enjeux de cette nouvelle intrigue. En effet, l’auteur offre un rappel du contexte historique qui entoure les héros mais à aucun moment leur passé propre.
Pour vous donner une idée du point de départ de la narration, je vous cite le résumé présenté par le site BDGest’ : « Alban, jeune soldat français envoyé en Lousiane et porté déserteur, partage à présent la vie des indiens Minetaree. Solidement lié d’amitié avec le trappeur Toussaint Charbonneau, il a abandonné tout espoir de retrouver Louis, l’ami qui l’avait accompagné en Amérique avant de tomber aux mains des Pawnees. Sa décision est prise, il va rentrer en Europe… Malheureusement, son chemin croise celui de guerriers Shawnees, et d’une bande de miliciens. Si ces derniers sauvent la vie d’Alban, ils se révèlent d’une sauvagerie et d’une cruauté bien supérieure à celle des indiens qu’ils sont censés combattre… »
La première magie que dégage cette lecture vient des décors. Les aquarelles de Patrick Prugne sont autant de merveilles qu’on goutte avec appétit. Chaque planche, chaque case est un chef d’œuvre. Chaque arbre, chaque buisson, chaque couleur transpirent de la page et nous immergent dans le périple des héros. La couverture est en ce sens un échantillon révélateur de la qualité du travail graphique opéré par l’auteur. Je n’ai pas les compétences linguistiques pour vous décrire davantage le trait et l’univers qui a construit chaque illustration. Par contre, je peux vous affirmer qu’à peine vos yeux seront-ils posés sur ce bouquin que vous serez immédiatement conquis. Le cahier graphique qui conclue la lecture apporte un œil intéressant sur le travail du dessinateur.
L’histoire peut se résumer à un road trip dans la forêt. L’intégralité de l’aventure se passe en extérieur. Néanmoins, on ne peut pas dire que tout ce beau monde est en promenade. En effet, Alban se trouve associé à une troupe dont il rejette toutes les valeurs et les actes. De plus, l’heure est à la guerre et la petite communauté doit veiller à ne pas être repéré par les peuples indiens. Les enjeux s’avèrent donc relativement simples et permettent au lecteur de trouver rapidement sa place dans les pas du héros et de partager ses angoisses et ses sentiments.
La lecture ne laisse pas indemne. En effet, le ton est dur. La survie semble accompagner chaque protagoniste. Aucune page n’offre un moment d’apaisement. Chaque arbre, chaque rencontre peut marquer un affrontement mortel. La cruauté qui habite bon nombre de scènes et de personnages génère à cet album une atmosphère très réussi. En tant que lecteur, j’ai vraiment apprécié ce voyage qui n’a rien de calme et apaisé. Chaque pas abrite de la souffrance tout au long des soixante-dix pages. Le scénario et les dessins participent conjointement à cette réussite.
Pour conclure, cet album est un petit bijou. Patrick Prugne a un rythme de parution bien plus faible que beaucoup de ses collègues. Mais à la vue du résultat, cela s’explique aisément tant le travail est de qualité. Je ne peux donc que conseiller la lecture de « Pawnee » à tout adepte du neuvième art. Personne ne regrettera le voyage ! Il ne me reste plus qu’à me montrer patient et attendre les prochaines parutions de l’auteur. Mais cela est une autre histoire…