Scalped, bien dégagé derrière les oreilles
IL est des comics sortis de nulle part qui vous collent une droite sans prévenir et vous achève à la dernière page d'un bon crochet dans les parties. Scalped est de cette catégorie, et attaque fort dès son premier épisode ! Un sujet rarement traité en comics (ou ailleurs), une narration brillante, une galerie de personnages torturés et un trait aussi noir que la réalité qu'il dépeint. Scalped est ce qui pouvait arriver de mieux au label Vertigo depuis des années.
SCALPED ouvre les hostilités avec une scène de baston d'anthologie. Dans la pièce principale du casino d'une réserve indienne, un crétin provoque la clientèle d'habitués et empiète clairement sur l'autorité de Red Crow, leader de la communauté, propriétaire du tripot et activiste repenti. L'individu a déjà fait parler de lui ces derniers temps. Rapide, tête brûlée, sauvage, il traîne derrière lui une sale réputation. La réaction ne se fait pas attendre et le provocateur récolte ce qu'il a semé, non sans étriller au passage la moitié de ses assaillants. Intrigué par sa robustesse et sa stupidité, Red Crow lui propose d'intégrer les Dawz Soldierz, la police tribale de la réserve. Sa mission : faire passer aux traditionalistes l'envie de revendiquer leur ethnicité à coups de C4 et limiter au maximum la prolifération des laboratoires de méthadone.
On apprend par la suite que ce jeune abruti est en réalité Dashiell Bad Horse [1], un natif pur-sang de la réserve qui, adolescent, a fuit les siens pour rejoindre la civilisation des Blancs. La suite est à découvrir à travers six volumes d'une violence et d'une intelligence rare.
Scalped déborde d'une rage et d'une puissance contrôlée qui, lorsqu'elle est lâchée, vous laisse pantois devant la force narrative que peuvent véhiculer certains titres comics. On essaye en vain de comprendre les motivations de Dashiell : contre qui dirige-t-il réellement toute cette haine ? Les siens, assujettis et réduits à attendre dans leur réserve leur prochaine extinction ? Ou bien contre l'abâtardissement de son peuple que déplore son nouveau boss, Red Crow ? Tout devient néanmoins plus clair à la toute fin de ce premier numéro. Doublé d'un scénario à l'intelligence vicieuse, la trame de Jason Aaron (découvert à l'issue d'un concours de scénario dans les pages de Wolverine #175) promet énormément avec cette exploitation inédite du thème de l'activisme indien.
Au dessin, R. M. Guéra [2] (Heavy Metal, Howard Blake chez Glénat) met une énergie et une colère qui colle parfaitement à l'ambiance de révolte latente du récit. À noter la présence de Jock à la réalisation de couvertures qui donnent parfaitement le ton de la série.
Scalped est une série en cours (#74 en novembre 2010 et six Trade PaperBack) publiée par DC sous le label Vertigo, également disponible en français chez Panini (deux tomes) qui, une fois n'est pas coutume, nous sert une traduction remarquable.