La période de Noël se prête assez bien à la lecture du premier volume de Père Fouettard Corporation, le nouveau manga de Hikaru Nakamura disponible en version française.
Ce n’est pas Noël tous les jours
Quel est le cadeau de Noël dont rêve Miharu Hino ? Sans doute un CDI. Ayant lâché l’école tôt il se retrouve à cumuler les petits boulots. Et si la relation d’emploi se fragilise, Miharu ne peut même pas compter sur un environnement de travail apaisant : entre collègues qui profitent de lui, patron et clients pas aimables, le pauvre empile les tuiles mais tient bon depuis trois ans.
Moyennant quelques péripéties, notre héros va alors connaître une « mutation/promotion » : bosser dans le grand froid pour une grande entreprise qui offre un bon salaire : celle du Père Fouettard ! Hikaru Nakamura nous emmène donc dans un endroit merveilleux, où il est question de produire des cadeaux pour les enfants qui n’ont pas été sages. Même les vilains garnements ont le droit de fêter Noël ! What?!
Joie d’offrir, plaisir de recevoir
La production de ces cadeaux obéit à quelques règles. D’abord ne pas hésiter à passer outre les brevets, la propriété intellectuelle. Les petites mains derrière cela sont des lutins avec du travail à la chaîne ; les employés humains vivent et travaillent sur place – phalanstère des temps modernes ? – ont des revenus confortables tout en subissant un rythme de travail intense (le rush de Noël - et la mangaka fait d’ailleurs un clin d’œil au Bateau-usine.) quand certains cumulent plusieurs emplois pour se faire plus d’oseille.
Toutefois, offrir des cadeaux à des enfants pas sages… on nous aurait menti sur le Père Fouettard ? Pas tout à fait : les cadeaux offerts doivent décevoir les enfants ! Donc il faut les espionner un peu pour connaître leurs goûts... et ensuite leur infliger au moment de Noël la bonne dose de déception (proportionnelle à leur mauvais comportement). La valeur du cadeau n'est pas le seul élément qui intervient dans la fonction d'utilité des enfants...
La magie disparue de Noël ?
En approchant Noël sous de tels angles, Hikaru Nakamura ne fait pas que renouveler le regard que l’on a envers cette fête. Le manga insiste sur la dimension mercantile du phénomène, sur les méthodes pas toujours très « nettes » utilisées et revisite le mythe du Père Fouettard ; l’occasion d’aller au-delà de la vulgate sur le sujet. En parallèle, d’autres ingrédients se retrouvent comme : le héros qui doit trouver sa place et finira peut-être par se « révéler », l’humour dans les situations voire dans les propos, le mystère autour du Père Fouettard et d’autres figures…
Du côté de l’édition française, Kurokawa nous propose un manga dans ses standards, que ce soit pour les dimensions comme la qualité d’impression. Sarah Provost livre une traduction de bonne facture même si on note quelques coquilles et passages qui ne sont pas toujours parfaitement fluides.
Petit Papa Noël...
La nouvelle série de Hikaru Nakamura offre un premier tome agréable à lire, par ses choix graphiques et son histoire qui s’insère non seulement dans l’instant de Noël mais aussi dans la période actuelle en traitant de l’emploi, de la reconnaissance, du monde de l’entreprise… Père Fouettard Corporation c’est un manga pour sourire et réfléchir, pile-poil ce qu’il faut en cette fin d’année.
Version un peu plus longue de l'avis ici.