Je suis souvent déçu par ces bandes dessinées à prétention historique, qui, par didactisme, se révèlent décevantes, peu dynamiques et au final légères sur le plan du contenu. Cet album signé Corteggiani et Mankho, issu d’une série intitulée « Les grands peintres » parue chez Glénat, pourrait laisser penser qu’il s’agirait d’une présentation biographique du grand peintre. Pas le genre d’album qui fait rêver (autant ouvrir un bouquin d’art !) mais en me baladant dans ma bibliothèque, j’ai par hasard été séduit par la couverture, qui indiquait plutôt un récit fictionnel empreint de fantastique.
L’album se lit vite, et en effet, on n’est pas du tout dans une présentation classique d’un « grand peintre », comme pourrait le laisser suggérer le nom de la série. Il y est d’ailleurs bien peu question de Bruegel (à l’exception du dossier pédagogique à la fin de l’album). C’en est presque frustrant, mais on oublie vite cela car l’intrigue est intéressante. On se trouve aux Pays-Bas espagnols en 1567, au moment de la révolte des gueux. L’histoire commence avec le Duc d’Albe, qui ordonne la répression, en s’attaquant d’abord à des notables. Je ne connaissais pas bien son histoire. C’est même en mer, jeune, sur mon Optimist, que je découvrit les ducs d’Albe, et ma foi, leur aspect solide et monolithique convient bien à la dureté du personnage, qui est là pour écraser la rébellion, par tous les moyens.
Et Bruegel dans tout ça, me direz-vous ? L’histoire est assez improbable, celle d’un tableau qui permettrait aux insurgés de reconnaître leurs cinq chefs, tableau qui est en fait celui des Mendiants de Bruegel : le scénariste a voulu lier ce tableau, où les mendiants portent des queues de renard, qui étaient aussi le symbole des révoltés, pour l’insérer dans un récit. On n’y croit pas trop, mais ça permet aux auteurs de placer pas mal de peintures dans le récit, en plus de reproduire régulièrement les atmosphères des tableaux de Bruegel. Et les Mendiants étant datés de 1568, on pourrait légitimement y voir un soutien à la révolte de la part de Bruegel.
Sur un plan technique, la composition et le scenario sont très efficaces, aidés par des dessins limpides et précis, la lecture est aisée et plutôt captivante.
Bref, même si on n’apprend au final pas grand-chose sur Bruegel, le récit proposé est intéressant et divertissant. Le fait qu’on assume la fiction dans un récit comprenant des faits historiques me rend la lecture plus facile : ce qui est là n’est pas la réalité historique, mais une « aventure » se déroulant dans un contexte bien précis. On en apprend plus sur la répression de la révolte des gueux que sur ces gueux, ou sur Bruegel, mais on passe un bon moment. Pour ma part, ce n’est pas si fréquent, étant plutôt difficile sur ce genre d’albums.