Je n'ai jamais été très intéressé par le mythe de Pinocchio, ayant vu le vieux film de Disney et lu le livre de Collodi dans un lointain passé sans que cela ne marque plus que ça mon esprit alors juvénile. Pourtant, Winshluss a su piquer au vif ma curiosité suffisamment pour que je lise une des plus belles et des plus riches BD que j'ai lu. Bien joué.
J'ai rapidement accroché au parti pris de l'auteur dans cette adaptation très libre : le Pinocchio de Winshluss est donc une BD muette au ton noir et cynique, ou Pinocchio est en quelque sorte un robot créé par Gepetto dans l'optque d'être une arme de guerre ultime revendable une fortune à l'armée. Parfait pour nuancer le souvenir beaucoup trop "Walt Disney" que j'avais du mythe.
Tout d'abord, ce qui frappe et qui enchante, c'est l'incroyable richesse graphique de l'oeuvre, où chaque sous intrigue liée à différents personnages secondaires possède son identité graphique, je pense notamment à Jiminy Cafard, blatte, écrivain raté et chomeur squattant la crâne vide de notre pauvre Pinocchio. De plus, quelques splendides aquarelles sont clairsemées tout au long du livre et ne peuvent que ravir les yeux de qui sait voir. Un régal à lire de chaque instant, ce qui est d'autant plus agréable vu que en l'absence de mots, l'image a un rôle central.
Car en effet, Winshluss est passé maître dans l'art de communiquer par l'image. On suit l'histoire et les différents évenements avec passion presque sans aucune ligne de dialogue pour soutenir la narration, ce qui nous fait ressentir l'incapacité de Pinocchio à communiquer avec le monde extérieur qu'il arpente semant la destruction et le chaos bien malgré lui.
Mais ce qui est interessant dans Pinocchio, ce n'est pas seulement le fait de reprendre de façon noir et violente une histoire pour enfant en la saupoudrant d'un humour cynique, mais c'est surtout la quantité de thématiques que Whinshluss arrive à traiter et à actualiser avec cette refonte du mythe. Dans Pinocchio, il est question plus ou moins explicitement de l'industrie et de ses dérives, de la cupidité humaine, de soif de pouvoir, d'embrigadement des jeunes, de cercle vicieux de violence, de fanatisme religieux, d'homosexualité, de depression, de problèmes d'alcool, de famille, etc... tout cela vu à travers les yeux objectifs et sans jugement du petit Pinocchio qui parcourt innocemment ce monde cruel.
Pinocchio est une oeuvre d'une rare richesse, tant graphique que thématique, et est un essentiel dans la bibliothèque de tout amateur de BD, selon moi.