Rien de mieux qu'un auteur de comics anglais pour explorer les mystères les plus barrés de l'Histoire humaine. Entre le Sandman de Gaiman, Les Invisibles de Morrison et La Ligue des Gentlemen extraordinaires de Moore, vous n'avez que l'embarras du choix pour vous trouver un guide de l'ésotérisme fictionnel calibré à votre goût. Rajoutez à cela le Planetary d'Ellis et vous pouvez chevaucher avec les quatre Cavaliers de la pop-calypse.
Ce jeu de mots foireux fait office de mise en garde: si vous n'êtes pas déjà un explorateur de la littérature de genre, si le mot "pulp" est pour vous synonyme de romans de gare bons à jeter, si le cinéma de série B vous fait lever les yeux au ciel de dépit, et si les super-héros vous semblent indissociables des castagnes épiques, alors passez votre chemin. Car Planetary - et par conséquent ma critique - n'ont absolument rien à vous apporter.
Bien, maintenant que nous sommes entre personnes de mauvais goût, que dire de cette série de 27 épisodes réunis en deux volumes chez Urban Comics ? Le topo de départ est aussi simple que rempli de promesses: quatre archéologues d'un genre nouveau, chacun doté de capacités spéciales, vont explorer le monde à la recherche de l'histoire secrète du XXè siècle. Vous n'avez guère besoin d'en savoir plus.
Les premiers épisodes vont proposer une trame un peu déconcertante. Des histoires courtes, à-priori indépendantes, sous forme d'enquêtes paranormales. A chaque fois, l'amateur éclairé reconnaitra l'ombre d'un personnage de roman, un thème récurrent des comics, un monstre de cinéma, une idée connue de la science-fiction. Les références oscilleront entre l'évidence et le mème de geek, sans jamais être totalement obscures.
Si les briques sont connues, la construction, elle, innove largement. Le moindre stéréotype est modifié, renversé, détourné, pour offrir une réflexion inattendue sur la production fictionnelle du siècle dernier. Le ton est sérieux ou cynique, les personnages un peu fêlés, les dialogues ciselés, le scénario labyrinthique.
Perdu pendant presque la moitié de l'aventure, je trouvais le comics assez superficiel, enchainant les idées de dingue sans jamais creuser vraiment quoi que ce soit. De l’esbroufe, palpitante, certes, mais de l'esbroufe quand même. Et puis les pièces du puzzle ont commencé à s'assembler, le rythme s'est ralenti, et j'ai compris qu'Ellis, après tout, avait sans doute bel et bien tout planifié depuis le début, le salaud. Un travail d'une élégante précision mais qui demande pas mal de patience de la part du lecteur.
Le voyage fut grandiose, porté par un dessin souvent renversant, parfois entaché par des visages étrangement maladroits et fluctuants. La fin, quant à elle, convoque l'ensemble des éléments scénaristiques et fait sens. Pour être franc, on est encore un bon cran en-dessous de ce qu'un authentique génie comme Alan Moore (qui signe la préface) est capable de proposer. L'ambition est finalement moindre que ce que laissait présager le projet global. On sent comme un épuisement, peut-être dû à l'édition complexe de Planetary, étendue sur environ dix années, tout de même.
Votre approche de la narration ne sera pas bouleversée mais enrichie, comme régénérée par un hommage jouissif qui cherche à vous emporter plus loin, à travers des chemins de traverse et des sentiers quantiques qui hantent tous nos délires.