C'est un bien curieux recueil qu'a sorti Comics USA : la moitié est consacrée à cette Cléa, et l'autre est une histoire bien surprenante.

Cette première moitié est consacrée au plus grand amour du Docteur Strange, une sorcière, aux filiations diaboliques mais aux intentions bienveillantes. De sa disciple, elle deviendra aussi l'élue de son coeur. Mais, dans les épisodes ici présentés, ils se sont quittés, pour une bête histoire de dimension maléfique à garder. Les deux premières histoires se consacrent donc à cette relation, pour une thématique vaguement romantique.

Et bien que le Dr Strange soit le Maître des arts mystiques et j'en passe, il en a gros sur la patate. Au point de douter de lui-même. Un mystérieux personnage va tenter de lui faire croire que sa vie entière n'est qu'illusion, allant lui faire croire qu'il n'est qu'un personnage de fiction. La métaphore est habile, et il croise même ses "créateurs", Ted Devoski (l'anagramme de Steve Ditko, le premier à l'avoir croqué) et Rob Tane (et dont, pour le coup, je ne saisis pas l'allusion à une personne réelle, mais ça sent aussi l'anagramme). Mais ça ne va pas pas plus loin qu'une aventure super-héroïque et le 4e mur est frôlé, pas franchi.

C'est une histoire assez agréable, que le scénariste Roger Stern arrive à rendre convaincante et mise en image par un Michael Golden très habile, aussi bien pour illustrer les doutes du personnage que pour mettre en valeur son univers mystique. Malheureusement, on déplore un encrage étouffé par le format et une mise en couleurs criarde qui jure sur un papier d'album.

L'histoire suivante, quant à elle, est un simple flash-back, par les mêmes créateurs,antérieure à l'histoire précédente et même à la rupture de nos deux sorciers. Cinq petites pages où Docteur Strange réfléchit sur la dualité de sa relation avec Cléa, qui est aussi bien sa petite amie que sa disciple. C'est esquissé, et vite oublié.

Enfin, nous arrivons à la dernière histoire, la deuxième partie de cet album et qui ne semble pas avoir de liens avec l'univers mystique du Sorcier suprême. C'est bien simple, les différents sites parcourus sont incapables d'indiquer la provenance de cet épisode, pourtant écrit par l'illustre Chris Claremont.

Datée de 1988, elle s'attaque à un problème de société grave, le viol, thème encore peu présent à l'époque dans les comics. Malheureusement, son traitement m'a beaucoup gêné.

Cette histoire commence avec un corps sans vie, celui de Cody, sur le bord d'une route. Et c'est là qu'il faut vous accrocher à vos accoudoirs. Une sorte de médiévale-sciencefictionnesque-Valkyrie transforme l'âme de Cody en une nouvelle représentante de son ordre. Celle-ci doit alors retrouver ses agresseurs, dont son petit ami, et décider de leur sort, ce qui décidera du sien, avec tout un blabla sibyllin à tomber.

Personnellement, je me serais fait violer puis tuer, j'aurais de furieuses envies de meurtres bien sanglants. Et, pourtant Cody ne suivra pas cette voie là, mais celle du Pardon et de la Rédemption, et je mets des majuscules pour bien souligner l'éclat supposé de la chose.

Je suppose qu'à la fin des années 1980, ce genre d'histoires devait produire son effet, en s'attaquant à un tabou, celui de la condition féminine bafouée. Mais son dénuement optimiste pour ne pas dire naïf ainsi que cette étrange idée d'ordre qui jurent avec la gravité du sort de Cody font qu'il est bien difficile d'accrocher à cette histoire. Un peu plus de sobriété, et cet épisode sorti d'on-ne-sait-où aurait eu bien plus de cachet, les dessins de Michael Golden ou le déroulement (avec la révélation du viol, oui, je vous ai spolié comme un porc) sont tout à fait convenables.

Un recueil plutôt étrange donc, avec une partie sur l'amour perdu d'un super-héros, et une autre sur une jeune fille banale fauchée par la bêtise et qui devient une sorte de super-héroïne. Le thème principal qu'on pourrait lui donner tournerait certainement autour des déconvenues de l'amour, et, si je puis me permettre une hypothèse tout à fait gratuite, ça sent la rupture chez un des membres de l'équipe éditoriale française.

Malheureusement, il n'y a rien de vraiment notable dans tout ça, avec certes un premier épisode sympathique, mais aussi cinq pages inutiles et une histoire mal tournée. Ce dernier épisode vaut surtout pour son statut de curiosité.
SimplySmackkk
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le 31 juil. 2012

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le 31 juil. 2012

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