Poussière, tome 3
6.7
Poussière, tome 3

BD franco-belge de Geoffroy Monde (2021)

Avec ce troisième tome de « Poussière », un peu plus épais que les deux précédents, Geoffroy Monde boucle donc son ambitieuse série SF qui nous entraîne dans un monde parallèle, celui d’Alta, une planète jumelle de la Terre. Leurs destins sont inextricablement liés, à la suite d’expériences scientifiques menées par un terrien qui ont permis de découvrir un portail entre les deux planètes, ce qui en revanche a eu pour effet de créer un déséquilibre sur Alta, provoquant des catastrophes en série. A la faveur du chaos régnant, des putschistes ont pris le pouvoir et entendent résoudre le problème en détruisant la Terre, en y envoyant des cyclopes géants contrôlés par des enfants surdoués…


Impression justifiée ou non, les dialogues semblent avoir été épurés, rendant la lecture plus fluide, ce qui est appréciable étant donné un scénario déjà complexe et une pléthore de personnages dont il faut bien l’avouer, on a eu un peu de mal à s’attacher au cours des trois volumes. Pas toujours identifiables en partie sans doute à cause du trait assez lisse, aucun d’entre eux, y compris les principaux protagonistes, ne dégage véritablement de charisme, et cela ressort comme un des points faibles de la série.


En revanche, Geoffroy Monde fait preuve d’une grande créativité sur le plan graphique (à l’image du scénario en fait), qu’il s’agisse des géants un peu informes dépourvus de contours, et représentés en aplats de couleurs pastels allant du bleu au rose, accentuant leur irréalité, ou encore des étranges particularités physiques des habitants d’Alta, dont le corps peut muter et la peau s’éplucher, toutes sortes d’aberrations visuelles inconcevables pour l’humain lamda. On appréciera le travail assez poussé sur la couleur, avec une palette peu usitée en bande dessinée, en particulier dans les tonalités sombres où l’auteur applique avec brio des dégradés du bleu au mauve, ou du vert au marron. C’est stylé et extrêmement plaisant à l’œil, bref c’est du Geoffroy Monde.


En somme, cette série a les défauts de ses qualités. Une folle créativité (typique de l’auteur) qui nous emmène vers des zones vierges du neuvième art mais qui nuit parfois à la lisibilité du récit. Alors on se dit que peut-être, bien plus que la narration ou les personnages, c’est davantage dans sa portée philosophique que réside l’intérêt de cette histoire possédant les atours du blockbuster de science-fiction « éco-warrior ». A travers Pan, cet enfant revenu d’une dimension parallèle qui l’a transformé en une sorte d’entité irréelle et quasi-divine, la conclusion (avec cette dernière planche pour le moins énigmatique), tout en nous ramenant à notre pathétique humanité, nous laisse entrevoir des ouvertures métaphysiques et quantiques vertigineuses, un peu sibyllines, qui pourront déstabiliser le lecteur en quête de récits plus académiques. Et si Geoffroy Monde, qui semble avoir trouvé dans le neuvième art le mode d’expression idéal de son génie créatif, était tout simplement en avance (trop ?) sur son époque ?

LaurentProudhon
7
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le 3 mai 2021

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