Fahrenheit 2.0
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le 26 févr. 2020
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Difficile de parler de cet ouvrage sans en révéler l’intrigue… car c’est au fil des pages, à coup de flashbacks et de sous-entendus, que le lecteur va découvrir peu à peu ce qui se cache derrière un lourd secret qui unit la protagoniste principale, Hélène, à ses copines de lycée, et sans que l’on puisse dire pourquoi, à son père, qui semble dissimuler des douleurs intimes derrière ses pertes de mémoire. Mais le sujet central, qui s’impose très vite à travers le personnage « badass » de Katia, jeune femme au caractère bien trempé, qui n’hésite pas à donner de la batte de base-ball envers les hommes qu’elle considère comme des violeurs potentiels. C’est d’ailleurs après s’en être pris à un groupe de suprématistes blancs qu’elle s’est retrouvée à purger une peine de prison.
Le harcèlement sexuel, qui évidemment touche principalement les femmes, est un sujet grave, dont on parle aujourd’hui beaucoup à travers le mouvement MeToo, et c’est plutôt une très bonne chose, même si des excès sont à déplorer, notamment cet effet de meute propre aux réseaux sociaux. Mais on dira que c’est peut-être un mal nécessaire pour y mettre fin, et assurément un moindre mal, en comparaison de l’emprise séculaire de la masculinité toxique et du silence traumatique qui entoure depuis trop longtemps les victimes de ces actes inacceptables.
« Préjudice », s’il part d’une bonne intention, nous laisse hélas un peu sur notre faim, et surtout déçoit, autant par le fond que par la forme. Malgré toute l’empathie que l’on peut avoir pour les personnages, l’ouvrage donne une impression d’inachevé. Le scénario d’Ingrid Chabbert, qui joue beaucoup sur le non-dit, avec quantité de retours en arrière, pêche par son manque de rigueur et ses nombreuses digressions qui perdent parfois le lecteur, malgré une intrigue au final peu élaborée. L’idée d’un groupe de filles qui se rebellent à leur façon (c’est le moins qu’on puisse dire !) contre la violence faite aux femmes suscite évidemment la sympathie. Mais allez savoir pourquoi, on a un peu de mal à accorder du crédit à l’histoire. Est-ce dû à la psychologie des personnages, traitée de façon assez superficielle et caricaturale ici, ou à l’audace insensée de la chef de bande kamikaze, Katia ?
Enfin, et c’est peut-être le plus gros défaut de « Préjudice » : son propos. Même si on peut parfois se satisfaire du triste sort réservé aux salauds de tout poil, l’ouvrage dans son dénouement semble bien prôner l’exécrable loi du talion sous un enrobage « moderne ». En résumé, tout ce qu’on a détesté dans les films de Charles Bronson se retrouve ici dans une œuvre supposée être féministe. Pernicieux et peu constructif. Certes, cela reste une fiction, mais l’ampleur du thème abordé aurait peut-être mérité plus que ces maigres centaines de pages.
Quant au dessin de Pauline Bertrand, qui au demeurant est loin d’être désagréable, il demeure un tout petit peu vert dans sa tentative d’approcher un style semi-réaliste. Le trait avenant et un peu lisse, qui semble être conçu pour des ouvrages jeunesse, est moins convaincant pour ce qui est de l’expressivité des personnages, en particulier des visages.
Ruer dans les brancards, c’est parfois nécessaire et ça peut soulager, mais dans le cadre d’une œuvre censée prendre fait et cause contre la domination masculine et le harcèlement, on était en droit d’espérer quelque chose de plus nuancé. Tout cela ne fera malheureusement que laisser « Préjudice » au stade de l’anecdotique.
Créée
le 18 mai 2023
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