Oubliée la traduction à la va-comme-j'te-pousse-le-Harper-&-Collins, oubliés les artworks sympa-trop-ma-tasse-de-thé, oubliée l'aura fulgurante, éblouissante, aveuglante de la série TV.
Ce X-Men Legacy, pour reprendre son titre d'origine (avant le grand cashtonnage de Panini Comics - toujours sur les bons coups, qui n'incluent ni le respect du lecteur, ni le sens du travail bien fait) est ce que le comics de super héros a de mieux à offrir, en ce sens qu'il ne s'y réduit pas, au contraire. Il se nourrit de la mythologie spandex et son univers chaotique, foisonnant, immature, il le dévore comme un vers mental pour le recracher petit bout par petit bout, en une cacophonie mentale et visuelle dont il tire mieux qu'une harmonie : une aspiration à. Un sens au-delà du sens. Une beauté dans le bruit.
Spurrier sublime son duo de personnages autant qu'il sublime son propos lui-même. Au-delà des bisbilles cosmiques, il livre un vibrant chant de cygne empreint de psychothérapie, va chercher tout ce qu'il a de fêlures et d'angoisses, les enfourne dans le moule de son personnage principal, les laisse mijoter à feu doux et les sert à température ambiante, avec beaucoup de sauce piquante.
C'est brillant, c'est complexe, c'est touchant, c'est fort. C'est simple et c'est grand.
Qu'on soit ou non familiers des surhommes bodybuildés, il faut lire Legion. Pour la culture. Pour voir de ses yeux voir ce que peut proposer le comic-business, quand il s'en donne les moyens. Pour constater que les bastons cartoons ne sont pas nécessairement des fins en soi et qu'on peut être adulte sans forcément s'en donner l'air. C'est même là qu'est le vrai talent.
On tourne la dernière page en se disant, ravi autant qu'amer : "ai-je besoin de lire autre chose ?" (dans ce registre, s'entend).
On se surprend à penser "non". Pour ce soir, sans doute, peut-être un bout du lendemain. Mais c'est déjà beaucoup.
La preuve d'une indiscutable réussite.