Chemin de croix
Tout a été dit sur Punk Rock Jesus. Coup de poing dans la face puritaine de l’Amérique, le récit est traversé par une vision acerbe mais tempéré de ce pays à travers un système médiatique pourrie...
le 29 sept. 2013
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« L’Amérique, c’est comme cette fille qui vient de découvrir le sexe et qui se fout bien des cicatrices dégueulasses que lui laissera l’herpès sur les cuisses. Tout ça, sous le regard horrifié du monde qui assiste à ces excès de débauche sans réagir ».
Sean Murphy donne le ton dans les notes de la tracklist en fin de volume. Punk Rock Jesus est une charge contre les abrutissants retard de démocratie et de sécurité dans
Contre les masses bien pensantes rangées du côté de la foi et qui cautionnent les guerres, la mort, maintiennent le joug de l’obscurantisme sur leurs propres têtes.
Thomas McKael se cache dans le placard tandis que ses parents, proches de l’IRA sont massacrés, recueilli par son oncle, il devient un soldat imposant, un solide tueur d’élite ; Sarah Epstein, généticienne et environnementaliste, s’efforce de créer une nouvelle algue pour purifier un air saturé de carbone ; Gwen Fairling, jeune vierge naïve, est attirée par les lumières de la télévision. Réunis par Rick Slate pour une émission de téléréalité extraordinaire : sous les spotlights, la généticienne féconde un ovule de la jeune femme d’adn prélevé sur le saint suaire et neuf mois plus tard, la naissance du clone du Christ bat des records d’audience. Hors caméra, une jumelle voit le jour, dont le producteur n’hésite pas à se débarrasser lui-même.
« Trop de choses ne vont pas dans ce pays. Ces croyances religieuses sont un cancer. »
Des chapitres proposés avec une tracklist allant de **Marilyn Manson** à **Stiff Little Fingers** en passant par **White Zombie** et **Kavinsky**, un Christ désenchanté qui vire punk à crête, verve révoltée et enragée, un noir et blanc splendide, acéré et incisif, aux ombres pleines et aux nuances rares, un scénario rythmé qui passe d’un personnage à l’autre pour évoquer l’humain au cœur de pistes de réflexions sociétales, **Sean Murphy** livre
prône la laïcité dans les affaires publiques, rappelle avec violence aux créationnistes l’ineptie et les dangers de leur théorie négationniste, et sert le tout dans un divertissement tout en tension. C’est prenant, intelligent, l’auteur interroge la raison autant que le cœur, mais manque légèrement à toucher, ne prend pas le temps, dans la densité du récit, de creuser les personnages assez pour nous emmener dans des ressentis vibrants, convaincants.
Il est toujours nécessaire d’amener de la réflexion pour tempérer la rage. Point trop n’en faut peut-être : dans ce format, le choix de multiples histoires entraîne le lecteur sans répit mais ne laisse pas l’espace nécessaire à développer correctement toutes les pistes : la surmédiatisation des inconnus et des inutiles, la surconsommation de ces images industrielles dénuées de sens, l’abrutissement volontaire et la délégation soumise de sa propre liberté pour des promesses de sécurité qui ne sont jamais tenues. La religion, ce qu’on y met, d’espoir et de craintes, d’attentes, ce qu’on y espère, de sens ou de rédemption. Le vivre-ensemble, cet amour de l’autre disparu depuis la nuit des temps, que pas même Jésus en son épopée biblique n’a su raviver longtemps.
On en revient toujours là.
Sean Murphy crie son indignation haineuse, toute la désillusion d’une génération lucide sur les combats profonds à mener au pays de l’oncle Sam, face à l’obscurantisme, rien ne vaut la lumière de l’éducation, la promesse de révoltes littéraires et graphiques, l’éveil des consciences.
Le comics est un média de masse aux États-Unis, et sans creuser, avec finesse pourtant, Sean Murphy offre à des millions de jeunes américains les pistes d’une réflexion personnelle, y propose des instruments de culture historiques et populaires, éclaire dans un noir et blanc contrasté les fausses nuances des discours étatiques et télévisés, les encourage à s’abreuver ailleurs, largement.
Sans autre violence que celles de la narration.
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Créée
le 21 déc. 2015
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