Putain de guerre ! 1914-1915-1916 par Biskuit

Pas du tout blanc, pas du tout noir, mais du rouge sang, du marron merdeux, du bleu sale, partout : voilà ce qui se dégagé de ma lecture. On les ressent fortement les couleurs, donnant vie à chaque case, et nuançant chaque camp. Pas de bons, pas de méchants, mais le seul but le matin de rester en vie jusqu'au soir, et avancer comme ça jour après jour, heure après heure, ou mourir. Et ce système-là consume l'être au point que tous finissent par ce ressembler, sans distinction. Soldats, ouvriers, meurtriers, préposés aux impôts, des gueules que l'on colle comme l'on poserait des masques et qui s'interchangent, pour finalement ne finir par être que des gueules cassées, dans l'impossibilité de raconter l'horreur.
J'ai beaucoup apprécié la mise en regard des deux camps, le français comme l'allemand, perspectivement, sur une même double page, en parfaite symétrie. C'est quelque chose qui finalement doit être remis d'actualité, cette notion de point de vue, de guerre aussi merdique d'un côté que de l'autre, où le l'être humain, le soldat, n'est plus qu'un infime pion de tout ce qui se révèle finalement n'être qu'une mascarade. Je n'ai pu lire cette BD sans penser immédiatement au film / roman "A l'ouest rien de nouveau" : l'on ne sait qui est l'ennemi, parce que l'autre est comme moi finalement, ennemi d'un côté, de l'autre, dans son propre camp, chez les supérieurs, en soi.
Les propos du protagoniste sont certainement un peu trop poussés, voire "retranchés" dans ses positions, virulents, certes, mais qui a le mérite de mettre en lumière tous les oubliés : les gueules cassées, les colonisés, l'aviation, les mutineries, les suicidés, etc. Vrai travail de documentaliste, d'archiviste, ces Messieurs-là devraient passer les concours de la fonction publique catégorie B. Peut-être ont-ils voulu trop englober, faire un récit total, parler de tout, ce qui coupe un peu le fil narratif - je ne sais si le regard seul du soldat de l'époque pouvait avoir conscience/connaissance de toutes ces facettes-là de la guerre. Mais le message est aussi fort que dans une cassette que j'ai visionné il y a peu, "No man's land", condensé chez Tardi dans la scène du face à face avec un Allemand : message anti-militariste, d'un simple homme face à un autre, qui aujourd'hui peut-être plus que jamais, doit toujours être clamé haut et fort.
Biskuit
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le 30 mai 2012

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