Difficile pour moi d'aimer ce "PyongYang", à la réputation pourtant impressionnante depuis sa publication il y a plus de 10 ans : d'un côté, il est impossible de nier que la visite - même "minimaliste" -, que Delisle nous propose de l'un des pays les plus secrets du monde, est impressionnante, et que, quelque part, un tel livre - intelligemment mis en perspective (dans sa première partie du moins) avec le "1984" de George Orwell -, de par la lumière (humble, mais pas moins vitale) qu'il jette sur l'un des pires régimes ayant jamais existé sur la planète (sans exagération aucune, lisez "PyongYang" si vous ne l'avez pas encore fait...), fait oeuvre de salubrité publique. D'un autre, on est quand même très, très loin des chefs d'oeuvre du genre (de "Persepolis" à "Maus", excusez du peu...) : le graphisme assez dilettante de Delisle atteint vite ses limites, quand on le compare par exemple au dynamisme inventif dont fait preuve Trondheim dans ses "Carnets" (ouvrage qui se rapproche formellement beaucoup du travail de Delisle), tandis que le traitement du sujet est lui même assez pauvre, épuisant peu à peu le lecteur au long de pages de moins en moins inspirées. Car, dans l'impossibilité de voir quoi que ce soit d'autre que le "vide" absolu et ubuesque que la dictature nord-coréenne exhibe sans honte à ses rares visiteurs, rapidement lassé par le manque de profondeur des relations avec des locaux qui semblent totalement lobotomisés, Delisle n'a finalement rien à nous raconter. Et si ce "rien" est évidemment fécond du point de vue politique, il manque à Delisle une "inspiration artistique" quelconque (voire même un simple "désir") qui permettrait de transcender ses chroniques et de les élever vers quelque chose qui ne soit pas qu'anecdotique.