Voilà quelques mois déjà que Quartier Lointain a retrouvé sa place dans ma bibliothèque. Sa reliure imposante et ses feuilles sablées prônent au milieu de ses semblables mangas. Le roman graphique de Jirō Taniguchi s’est imposé à moi d’un seul coup, je n’ai pu relever la tête qu’une fois la dernière page tournée. Pourtant, j’ai le sentiment de ne jamais avoir quitté son histoire, de suivre son cours chaque jour.
Quartier lointain c’est tout d’abord la tranche de vie d’un japonais cinquantenaire dont le nom importe peu. Suite à un acte manqué, relevant presque de son inconscient, notre anti-héros se retrouvera dans un train en direction de Kurayoshi, sa ville natale située dans la province de Tottori bien éloignée de l’effervescence tokyoïte. Poussé par une force qu’il n’explique pas lui même, l’homme erre alors dans les quartiers de son enfance jusqu’à la tombe de sa mère.
Comme à son habitude Jirō introduit des éléments fantastiques à son récit. Alors frappé par un profond sommeil, notre héros se réveille dans la peau d’un enfant en uniforme, le sien, celui de son innocente jeunesse. En gardant pleinement conscience de son identité de cinquantenaire, notre protagoniste revit son enfance, prenant alors goût à des choses que la jeunesse élude : la soif de connaissances, la fraicheur et la légèreté d’un corps d’enfant, la pureté d’un premier amour.
Quartier lointain, c’est d’abord un voyage au Japon des années 1960, Jirō livre ici un véritable témoignage à la cohérence implacable d’un mode de vie qui nous est étranger. Sachant que l’auteur lui-même est né à Tottori, le roman respire la sincérité du conteur qui prend vit à travers son personnage. Mais c’est aussi un voyage au sein de votre propre enfance, à un moment ou un autre vous vous retrouverez dans notre héros quel que soit votre âge ; tout simplement car l’œuvre est d’une simplicité et d’une beauté rare.
Comme vous avez pu le voir, j’ai adoré Quartier lointain. Je vous implore de vous le procurer pour vous jeter dedans, car c’est un livre qui fait du bien. J’ai surtout parlé de mon ressenti dans cette courte « critique », mais on peut tout de même noter que Jirō Taniguchi s’est grandement inspiré de la BD franco-belge dans le dessin et l’agencement de ses planches. On pourrait presque parler de mise en scène en ce qui concerne ce roman graphique. Certaines planches sont d’un trait magnifique, c’est rare de voir un manga aussi détaillé tout en rayonnant par sa simplicité. C’est une critique que je fais régulièrement au manga : leur modèle de parution ne leur permet pas d’être beau. Ce n’est pas le cas pour Quartier lointain, on sent que c’est un travail de plusieurs années. J’ai été particulièrement touché par la relation du héros et de son amie enfance (dont j’ai oublié le nom…), son premier amour en quelque sorte, je l’ai trouvé juste. Ce qui est assez rare en ce qui concerne les relations amoureuses c’est généralement soit ridicule soit incohérent.
En somme, Quartier Lointain est une expérience fantastique. Il faut la vivre pour pouvoir en parler de vive voix ensuite, parce qu’elle dépasse l’intérêt de l’histoire racontée (je ne l’ai pas du tout développée, il y a des enjeux tout de même, je ne vous gâche pas le plaisir de les découvrir). Cette expérience ne relève pas tant de la qualité intrinsèque de l’histoire mais bel et bien du retour que vous allez faire sur vous même à la lecture ou a posteriori.
C’est beau.