Charlie, la nouvelle détective, doit faire équipe avec le bougon Brandt. La mauvaise humeur de son partenaire est bien compréhensible, car une nouvelle et terrible drogue ravage Detroit. Elle s’absorbe en dévorant une araignée vivante et ses effets secondaires sont de plus en plus spectaculaires…
Cette critique couvre les 2 tomes.
Christophe Bec est un scénariste vétéran de bandes dessinées. Il avait déjà collaboré avec le grand Stefano Raffaele sur Pandemonium. Il revient ici avec un diptyque cauchemardesque travesti en enquête policière.
L’histoire est racontée à la manière d’un film de Carpenter. Dès les premières pages, on est plongé dans une horreur sans filtre. Et lorsqu’on sort la tête des tripes carbonisées, on a à peine le temps de reprendre son souffle, car le cauchemar continue. La narration est nerveuse comme un film d’action et, si le découpage des cases est classique, certains plans sont très bien trouvés. C’est une histoire sale, très moche, même et, à l’instar des œuvres de Carpenter, tragique. Idem, aucune romance ne vient alléger cette descente aux enfers, et un brin d’érotisme apporte une touche perverse au récit. Spider est avant tout l’histoire d’une Alice qui entre dans un terrier de cauchemar, et ce qu’elle y trouve change à jamais non seulement elle-même, mais le monde.
Si le scénario est passionnant, sa violence outrée, surtout psychologique et à la limite du sadisme, est difficile à supporter. Par ailleurs, sa rapidité de narration et sa fin abrupte laissent le lecteur un peu sur sa faim. Il aurait été souhaitable (au moins pour apaiser nos cauchemars !) d’en dire un peu plus sur le destin de Charlie et de l’humanité, forcément tragiques.
De même, une désambiguïsation de la relation entre Charlie et Brandt aurait éclairé leurs réactions. L’attachement tardif du détective contredit ses décisions, tout comme les choix d’Alice. Par ailleurs, son orientation sexuelle ainsi que les traumatismes de son enfance me paraissent carrément gratuits et permettent respectivement de montrer du sexe et du drame à moindres frais. C’est un peu facile.
Spider reste néanmoins une bonne bande dessinée prenante bien que répugnante. À l’instar de Fragile du même dessinateur, elle mériterait une adaptation cinématographique, car elle est découpée pour. Cependant, elle ressemble trop à une œuvre sur commande répondant aux besoins d’un public précis. Même si elle comporte de très bonnes idées, son côté roman de gare déçoit un peu. À voir par curiosité, mais en étant averti.