Lou Lubie est une auteure de BD réunionnaise. Elle est donc issu d’une population très créolisée. En effet, sur cette île se sont rencontrés des africains, des malgaches, des indiens, des européens…
Ici elle nous parle de ses cheveux, qui sont à mi-chemin entre crépus et frisés, et de la difficulté de s’accepter soi-même avec ces cheveux, ainsi que des complications matérielles que cela engendrent.
La bande-dessinée est très exhaustive. Premièrement elle va avant tout parler d’elle-même, de la conception qu’elle a longtemps eu de la beauté féminine, c’est à dire avoir de beaux cheveux lisses et longs, cet idéal de beauté étant véhiculé à travers toutes la culture qu’on ingurgite, à commencer par les Disney. En effet, les princesses ont des cheveux impeccablement lisses, longs et soyeux, et même quand la princesse est de couleurs, ses cheveux sont lissés (exemple: la princesse et la grenouille).
Comment se sentir désirable, ou du moins accepté, quand tout autour de soi indique qu’une partie de son corps ne correspond pas à la norme et qu’on ne peut pas y faire grand chose?
C’est également un des fils rouges de la BD, que faire de ses cheveux?
Doit-elle les laisser pousser tel quel? Les couper court? Les lisser? Les tresser? Les cacher? Une bonne partie de la BD tourne autour de l’entretien que demande ce type de cheveux et des injustice que supportent ces femmes-là comme devoir y consacrer deux à trois plus de temps que les femmes aux cheveux lisses mais également les coûts que cela représentent.
S’en viennent également les questions politiques. Comme lorsque deux amis bobos bien-pensants lui suggèrent d’arrêter d’avoir des tresses car elle est blanche et il s’agirait donc d’appropriation culturelle… Cette remarque d’une simplicité affligeante ne prend pas en compte la complexité de la génétique et de la créolisation dont il est question ici.
En parallèle, elle parlera de l’histoire des cheveux crépus, de ce qu’ils symbolisaient pour les africains, de comment ils ont été détruits par les diverses colonisations et de comment le racisme qui régnait à l’époque a su insuffler dans l’inconscient collectif qu’il s’agissait de cheveux « sales, mal entretenus, désordonnés… »
C’est donc un superbe livre qui est à la fois un documentaire sur l’histoire des cheveux non-lisses mais c’est également le récit très personnel d’un combat, d’un combat d’elle-même avec elle-même, qui nous parle de l’acceptation de soi. Très touchant !