Vous voulez prendre une claque ? Pas une de celles qui vous ébahissent, non, une claque qui vous remet à votre place ; une claque de sanction. Celle qui va rembarrer votre chauvinisme et fissa.
Chauvin, je ne le suis pas vraiment. Le chauvinisme, c'est rien moins que la maladie infantile du patriotisme. Nonobstant cela, il faut admettre, même si cela est absurde, que je retire une fierté personnelle devant les accomplissements de mes compatriotes. Quand lesdits accomplissements ont de l'envergure, bien entendu. Y'a quelque chose de glorieux à savoir que l'un des nôtres a réussi, qu'il aura laissé une part de France jusqu'à l'étranger par ses seuls hauts-faits.
Et puis.... y'a des produits bien à nous qui s'exportent mais... qui n'auraient pas dû. Les déchets nucléaires, les essais de la bombe atomique dans le pacifique...., David Guetta ; ce genre de choses. C'est de ce genre de choses dont on va s'entretenir Dont je vais vous parler en tout cas.
Précisément parce que je me réjouis des réussites de ceux que je tiens pour les miens, on ne pourra pas me faire le procès d'être un de ces étrons qui se plaisent et se complaisent à descendre une œuvre parce que française. La xénophilie, par chez nous, aura été poussée jusqu'à des extrémités si lointaines et si absurdes qu'on en vient aujourd'hui à se dévaloriser pour grandir l'Autre. Ce qui, implicitement, suggère que l'Autre est plus petit que nous puisque nous devons nous rabaisser afin qu'il paraisse plus grand par contraste. Ici s'achève ma tribune politique.
Non, je ne viens pas me payer Tony Valente. Un peu comme ces créanciers douteux qui opèrent leurs recouvrements à l'aide d'une barre à mine, c'est à contrecœur que j'agis comme je le fais. Méthodiquement, implacablement et sans la moindre once de pitié ; mais à contrecœur. De même que le créancier aurait aimé récupérer son argent, j'aurais voulu que le nom de Tony Valente apparaisse sur nos étalages et ceux du monde entier comme une exception. Une bonne, j'entends. La french touch du manga, une création de qualité bien de chez nous. Un souffle nouveau et bienvenu dans le paysage aride du Shônen-contemporain. Eh bien sortez plutôt l'éventail, parce que le souffle fait cruellement défaut à Tony Valente. C'est à un asthmatique de la création artistique auquel nous avons affaire. Sous respirateur artificiel qui plus est. Et je ne mettrai jamais suffisamment l'emphase sur le terme «artificiel».
Soyons lucides et remettons-nous-en aux précédents en la matière. Quand, avant lui, un autre Français, avait eu la bonne idée d'offrir au monde ce qui lui passait par la tête, il se trouva des esprits retors, comme le mien, pour lui en faire l'amer reproche. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais cette hirondelle-ci, il fallait la descendre avec du gros calibre avant qu'elle ne fasse des petits.
Puisque les traumatismes nous préviennent encore de ce qu'il y a de pire en ce monde, j'appréhendais la lecture d'un autre manga à la française. Oui, je l'admets, en sachant qu'un Français se trouvait à nouveau à la barre, je me tenais proche des canots de sauvetage.
Et pourtant, ce ne fut pas un manga à la française. On ne trouve pas chez Radiant ces tares coutumières qui se répandaient à longueur de pages dans Dreamland. On peut s'en réjouir. Je pensais m'en estimer heureux jusqu'à ce que je ne poursuive la lecture au-delà du premier volume.
Le manga ici, ressemble à un manga. Au point même d'en être un. C'est fou. Mais il ressemble tant à ce qui se fait au Japon qu'il en est résolument quelconque. Alors, à savoir si je préfère un produit raté qui a sa propre marque de fabrique à un produit réussi dans son aseptisation, mon cœur balance. Mais puisque je n'ai pas de cœur, je lapiderai donc les deux avec la même véhémence.
Quand bien même à ce stade vous auriez déjà toutes les raisons du monde de renoncer à la lecture de Radiant, je ne compte pas m'arrêter là alors que je n'ai pas même effleuré le fond de l'œuvre ou même évoqué son histoire et ses tenants. Il me suffira de vous dire que Radiant est très proche de Fairy Tail, autant dans ses idées que dans son imaginaire, pour vous convaincre de reculer. Cette information, vous l'aurez deviné, n'est pas à mettre au crédit de l'œuvre. De la féérie ratée mêlée à des combats qui ne le sont pas moins, voilà pour nous. Il y a au moins de l'harmonie et la cohérence dans la plantade. On se raccroche à ce que l'on peut.
Radiant n'est pas mauvais. Enfin si. Il l'est en réalité. Et pas qu'un peu. Mais il n'est pas mauvais en ce sens où il se sera distingué de la masse par son excessive médiocrité. Il n'a pas ce mérite, pas même cette petite gloire de la distinction. Car, de la masse des Shônens poisseux qui pullulent au Japon, il ne s'en distingue pas d'un trait, pas d'une virgule ; c'est un miasme dans une fosse sceptique, rien de plus.
C'est à dire qu'un auteur français, avec infiniment moins de contraintes éditoriales que ses homologues japonais, se sera délibérément astreint à un formatage poussif et liberticide en terme de création afin de coller à l'image du Shônen-lambda plutôt que de publier un Shônen à part. Là fut la première erreur de Tony Valente, se conformer à un marché qui aura été garni par les canons de ce qui se fait de pire en terme d'écriture. N'importe qui peut écrire ce que Tony Valente nous propose ici, et d'ailleurs, n'importe qui ne s'en prive pas. Il n'y a rien de nouveau, je relis en boucle le même Shônen mal inspiré depuis des décennies. Que celui-ci soit estampillé bleu-blanc-rouge ne change rien au goût ou à l'odeur.
Permettez une incision ethno-différentialiste ? Mais si, mais si. Ça ne prendra qu'un instant.
Les populations est-asiatiques se seront distinguées dans l'histoire non pas par leur sens de la création mais de l'incrémentation. C'est un lieu-commun de rapporter aujourd'hui que Japonais puis Chinois ont pompé la science et l'art européen issu non pas de l'incrémentation, mais de l'invention pure et simple. Ce qui différencie dans les grandes lignes l'Européen de l'Astiatique sur le plan artistique tient au contraste que l'on puisse être susceptible d'opérer entre un compositeur et un interprète ; entre un génie créatif et un virtuose technique.
Le conformisme éditorial déraisonnable qu'on retrouve dans les productions Shônens au Japon a un sens, en tout cas une origine définie. Je ne suis pas très féru de franco-belge pour ma part, mais jamais je n'ai eu l'impression, en passant d'une bédé à l'autre, que deux œuvres soient issues du même moule.
Tony Valente - et ce sera mon principal reproche - n'a pas cherché à dessiner et écrire un manga, mais à copier et se conformer à ce qui se faisait en la matière. D'emblée, il avait renoncé à se démarquer de ses confrères nippons. En ce cas, que pouvait-il nous proposer de nouveau ? Je vous ai donné la réponse avant de formuler la question.
Oui, c'est très classique. Trop classique ; c'est standardisé. Il n'y pas l'ombre de ne serait-ce qu'une tentative de prise de risque éditoriale. On marche dans les clous, on colorie sans dépasser et surtout, on ne fait pas de vague. Le territoire dans lequel on chemine est alors si connu qu'on se lasse du voyage à force d'avoir dû éprouver à la longue ce héros de Shônen typique, car fabriqué à la chaîne, glouton, brave et rigolard dont l'intégralité de la psyché - non susceptible d'être développée - nous est livrée dès la première planche. En face ? Des adversaires mus par leur simple méchanceté gratuite dont le statut d'antagoniste est écrit sur leur gueule ; des fois qu'il ne faille flécher le parcours au lecteur afin qu'il puisse, d'un regard, savoir situer les gentils des méchants. Ô surprise, les sorciers sont gentils et l'Inquisition ne l'est pas. Voilà qui est original.
Je n'insiste pas davantage, le sarcasmomètre entre dans le rouge. Mais s**ans avoir ouvert un volume de Radiant, sans même savoir que ce manga ait pu exister un jour, vous l'avez pourtant déjà lu mille fois**.
Seth s'avère outrancièrement exubérant ; on force le côté protagoniste de Shônen jusque dans ses dernières extrémités. J'y vois là le zèle du nouveau converti, de celui qui veut faire plus Shônen que Shônen.
Pour Seth aussi, le parcours est fléché puisqu'il débute avec pour principale charge de devoir éliminer de gros monstres souvent informes et au masque blanc. Quelqu'un a dit «Bleach» ? Quelqu'un a osé ? Non ? Alors c'est sûrement moi dans ce cas. Et puis, plus tard, les ennemis se feront de plus en plus forts et blablabla... On meublera avec des enjeux dont la crédibilité repose en grande partie sur la fatigue du lecteur pour se justifier.
Aucun approfondissement de la magie ne sera à noter dans l'œuvre. Comme pour Fairy Tail. L'auteur aura donc choisi de s'inspirer du pire. Tant mieux pour lui, tant pis pour nous qui le lisons. S'inspirer de Dorohedoro pour un rapport à la magie éthéré mais technique, peut-être cela eut-il été préférable. Mais Tony Valente a-t-il déjà lu Dorohedoro ou est-il un de ces Weeaboos pour qui le manga n'est que médiocrité et folklore ? Évidemment, un tel travail aurait requis de s'investir et de s'appliquer dans son œuvre, ce que n'avait pas l'air disposé à faire monsieur Valente dont je ne sais s'il a opté pour la voie de la facilité par calcul ou par bêtise.
L'univers de Radiant reste toutefois un peu mieux construit que FT. Ce qui en soi n'est pas un mérite puisqu'il est physiquement inconcevable de moins approfondir son œuvre que ne le fait Hiro Mashima. Mais ici non plus, cet univers, on ne se plait pas à l'explorer puisqu'il n'y a rien à découvrir.
Les dessins sont aussi impersonnels que le script et correspondent à l'idée moyenne qu'on se fait d'un graphisme de Shônen contemporain. Quelque part entre Fairy Tail et Seven Deadly Sins, rien n'en ressort, rien qui ne soit personnel ou authentique. Radiant, ça ne sort ne pas d'un atelier d'artisan mais d'une usine de produits formatés.
Des semblants de nuance en peau de lapin parsèmeront l'histoire pour donner le change et édulcorer piteusement le manichéisme patent et pâteux qui ne diffère en rien de ce qu'on peut lire, là encore, dans le premier Nekketsu venu.
Suite au «Mode Berserk/Kyubi/Hollow»™ du héros (parce que le protagoniste de Shônen a toujours son mode «Berserk», ça relève presque des conventions collectives du mangaka à ce stade), le lecteur aura évidemment droit à la classique tirade «J'ai peur de vous blesser» à ses alliés qui lui rétorqueront que «Non, parce que l'amour, l'amitié, mon cul etcaetera».
Quand je mets l'emphase sur le fait que tout ce que j'ai lu ici, je l'ai lu ailleurs, je n'insiste en réalité pas assez. Les clichés s'enchaînent, mes bâillements tout autant.
Mauvais esprit que je suis, ce que certains qualifient de «références», j'aurais tendance à appeler ça du plagiat. Notamment cette forêt où le temps ne s'écoule pas de la même manière que partout dans le monde et où Seth ira s'entraîner. Comment ? Quelqu'un a dit «Salle de l'esprit du temps» ?
Il faut que je me calme, le sarcasmomètre commence à fumer.
Des entraînements sans originalité évidemment - ça aurait juré avec le reste autrement - et rien de nouveau à répertorier nulle part. Radiant est le calque d'un calque d'un calque de Nekketsu. Au mieux. La trame gagne modérément en sophistication au gré des tomes et peut un peu plus se rapprocher d'un D. Gray Man en bien moins impactant. S'en approcher sans jamais l'atteindre.
Tout le panel des personnages archétypaux y passera dans l'ordre. D'ailleurs, comment se sentir concerné pour les personnages ? Quand on ressent de l'empathie pour un personnage de film, on ne ressent pas de l'empathie pour l'acteur qui le joue, mais pour le rôle qu'il incarne. Il en est de même ici, en un sens. Il n'est pas permis de se soucier du sort de vagues instruments - ce que sont ici les personnages - d'une intrigue plus vague encore.
Et partout sera tapissé du faux drame comme j'en ai l'habitude, comme j'en ai horreur. Ce drame de synthèse ira bien sûr de paire avec l'inévitable manichéisme voilé propre au genre. On dissimule la pauvreté de la trame derrière les oripeaux bien mal rapiécés d'un script qui se perd dans des circonvolutions faussement recherchées pour, au final, ne faire que tourner autour du pot le temps de gratter davantage de papier. Quand ce qui tient du supplément se confond avec le superflu, on s'en tient à la synthèse. Cela économise du temps et de l'énergie à tous. À moi le premier.
Vraiment, il n'y a pas de personnages dans Radiant, simplement des figures récurrentes sur lesquelles sont greffées des enjeux bien modestes. Le travail d'écriture de chacun est équivalent à l'étendue scripturale derrière le codage visant à animer un PNJ de jeu-vidéo. Leurs expressions sont pré-fabriquées, chaque moment d'indignation, de joie, de colère, n'est que l'étape classique d'un parcours que je pourrais franchir les yeux fermer à force de le connaître.
Je défie quiconque ayant lu plus de dix Shônens dans sa vie de me dire en lisant Radiant «Tiens, ça, je ne l'ai jamais vu ailleurs» sans trembler du menton. Radiant suit le cahier des charges du Nekketsu habituel. Car c'est le fruit d'habitudes et non d'un travail d'écriture que l'on lit et constate dépité ; et Dieu sait que les mauvaises habitudes font la vie dure. La vie dure, ces auteurs - ou plutôt ces photocopieurs humains - ils la mènent aux lecteurs de Shônens dont je suis.
Radiant mérite un deux mais n'écopera que de un sur dix pour s'être avili plus que de rigueur afin de rentrer dans le moule. Chez moi, «conformisme» s'écrit en deux mots et c'est avec dédain que je constate la chienlit que j'ai bien pu lire ici. Valente a, je le pense, ce qu'il faut de talent pour écrire une œuvre à part. Et pourtant, il paraît y avoir renoncé pour ne pas s'extraire de la masse, pour ne prendre aucun risque. Il préféré faire partie des types cools de l'école plutôt que de ceux qui ont un avenir.