Les Lip (& dip)
L’histoire des ouvrières sacrifiées de l’horlogerie est peu connue. « Radium Girls » entend mettre des noms et des vies sur ces victimes du radium, bien loin des laboratoires scientifiques. On les...
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le 2 nov. 2020
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Radium Girls, c’est surtout une histoire vraie.
Tout le monde a déjà eu en main un réveil avec les chiffres et les aiguilles qui brillent dans le noir. Au début du XXème siècle, l’industrie s’intéresse à la radioactivité. Le radium se retrouve dans des produits de grande consommation, auréolé de son image innovante : eau minérale, crèmes de beauté... Le radium, permet même de créer une peinture lumineuse. Et pour appliquer cette peinture, les fabricants américains emploient une main d’oeuvre féminine qui procèdent selon une méthode précise : on effile le pinceau avec les lèvres, on trempe dans la peinture, et on applique sur le cadran de l’horloge : Lip, dip, paint, lip, dip, paint...
L’album de Cy nous fait entrer dans cet univers féminin, au coeur d’une usine du New Jersey. Nous suivons l’arrivée d’Edna, une nouvelle employée (le truc classique en fiction pour faire découvrir un univers). Elle va rapidement s’intégrer à une bande de copines : il y a d’abord les trois sœurs Maggia : Albina, Amelia (dite Mollie) et Quinta, ainsi que Katherine et Grace.
Elles prennent le tramway ensemble, vont danser dans les speakeasy ou se baigner à Coney Island. Certaines s’amusent avec la précieuse peinture au radium. Grace, par exemple, s’en applique sur les ongles et sa robe, devenant une lumineuse danseuse au bal. Les filles sont d’ailleurs surnommées Ghost girls, leur peau et leurs vêtements de travail brillant dans l’obscurité de la ville.
La vie s’écoule paisiblement, puis surviennent les inquiétudes : Le médecin de l’usine déconseille aux filles d’effiler le pinceau avec la bouche, certaines ont des douleurs dentaires, d’autres souffrent d’anémie. Quelque chose ne va pas.
Le coeur de l’histoire, c’est donc ce terrible empoisonnement au radium, subit par les employées, dévastant leur vie et les tuant à petit feu dans des souffrances épouvantables. C’est aussi la lutte de ces femmes pour faire reconnaître sa responsabilité au fabricant.
Les industriels jouèrent la montre pour étouffer l’affaire, laissant mourir les victimes avant que le procès n'aboutisse. Certaines victimes eurent la honte posthume d’être diagnostiquées syphilitiques, explication commode de toutes les lésions mortelles. Ces femmes dénigrées et calomniées, Cy s’intéresse surtout à elles. Elle leur rend une identité, et une dignité. Elle nous les montre joyeuses, innocentes, bref, vivantes. Un siècle plus tard, ce drame qui a aidé à la reconnaissance de nombreuses maladies professionnelles aux Etat-Unis remonte à la surface.
Cy a travaillé son histoire avec son dessin particulier qui se prête bien au style Art Moderne. Cette fois, elle dessine au crayon de couleur, se limitant à une palette de couleurs très réduites, un camaïeu de violet, et le vert radium (pour éviter les fautes de goût, précise t-elle). Chaque femme de l'histoire aura son délicat portrait en pleine page. En touche finale, sur la couverture, les visages des Radium girls brillent dans le noir grâce à un vernis phosphorescent.
Cette histoire peut être découverte en détail dans le livre qui a inspiré Cy :The Radium girls par Kate Moore. Un documentaire de France culture présente également cette histoire, il est toujours possible de l’écouter.
Côté fictions, il existe un roman écrit par Jean-Marc Cosset intitulé Radium Girl et un film était prévu en avril dernier.
TV5 Monde présente l'album de Cy ici, tout comme France Culture.
Critique rédigée en octobre 2020
Créée
le 16 janv. 2023
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