Rainbow c'est déjà l'histoire de George Abe. Mais c'est aussi, l'histoire d'un duo qui aura su travailler pendant 22 tomes ensemble avec une qualité aussi régulière que qualitativement excellente. Abe est au récit ce que Kakizaki est au dessin, chacun servant l'autre dans une histoire aussi haletante que prenante.
Rainbow c'est une histoire en trois arcs. Un récit avant tout profondément sociologique et rempli d'injustice. Un récit carcéral aussi réaliste que cru où Kakizaki démontre tout son talent quand il s'agit de dessiné avec une précision remarquable un univers si compliqué et froid que la prison (une maison de redressement mais c'est tout comme). On y découvre alors tous les coups tordus de cet univers mais surtout on y découvre les protagonistes que l'ont va suivre. Cet arc est la colonne vertébrale de Rainbow. Une colonne vertébrale terriblement immersive, excellemment écrite et pleine de rebondissements avec une fin aussi déchirante que riche de possibilité.
C'est ensuite la vie en société que Abe et Kakizaki dépeignent avec un talent fou. Le paroxysme de cette seconde partie est certainement le tome 11 de Rainbow qui atteint des sommets.
Mais toute cette deuxième partie force le respect et l'admiration tellement elle est maitrisée de bout en bout. C'est une véritable fresque historique d'un Japon post-2nd GM, d'un Japon pauvre, sous le joug américain, un Japon détruit qui tente de se révéler de jour en jour. Mais c'est aussi celle où l'on découvre l'amitié inégalable qui lie ces hommes. Malgré les difficultés, malgré les injustices, leur amitié est indéfectible, ensemble, chaque jour, ils avancent. Cette seconde partie prend aux tripes tout du long, c'est une vraie imagerie de l'amitié et un hommage à la jeunesse. Difficile de ne pas vibrer devant ces jeunes voulant absolument réaliser les rêves de leurs amis, de leurs frères et sœurs aux périls de leur vie car une chose les rassemble : leur lien avec Anchan et leur amitié.
Enfin, Abe et Kakizaki dévoilent dans une troisième partie une occupation américaine toujours plus destructrice avec une forme d'hommage au Parrain avec le personnage de Cannali. Une troisième partie un peu en dessous des standards précédents mais qui reste exceptionnelle si on l'a remet dans une forme d'ambition historique. Une manière de mettre en image une partie de l'occupation américaine et une certaine histoire oublié du Japon. Et aussi une manière de remettre sur le devant de la scène la force de cette amitié. Une partie qui faiblit par moment par la réutilisation de quelques artifices déjà utilisés auparavant mais aussi par quelques moments un peu "cul-cul" comme celui de la grenade. Mais qu'à cela ne tienne, Rainbow rebondi toujours.
Rainbow c'est, je le pense, une manière de réhabilité une partie de l'histoire du Japon oubliée. L'histoire d'une jeunesse que la guerre a sabotée. Tant par les vies de Suppon et Jo que par les parcours de Mario, Heitai ou Kaybetsu. Une histoire de Japon que l'on retrouve comptée ici avec un talent exceptionnel tant dans l'écriture que le dessin. Difficile même de se dire que Rainbow ne fait que 22 tomes car il semble qu'il y avait encore tant à raconter ! Quitter ce groupe de jeune qui aura mis 10 ans à gagner leur liberté m'aura fait vibrer tout du long, un récit aussi somptueux que précieux qui nous rappelle les valeurs de l'amitié et de l'entraide.
Allez les gars, bon vent.