Rassemblement - Earth 2, tome 1 par Freytaw

C’est la fin du monde. Ou l’apokolips, si je puis me permettre de faire ce jeu de mots foireux. Batman, Superman et Wonder Woman donnent courageusement leur vie pour sauver la Terre et stopper l’invasion des troupes de Darkseid sur ce monde. Steppenwolf et ses petits copains n’avaient qu’à bien se tenir. Mais le prix est cher. Pendant ce temps-là, Robin et Supergirl tombent dans un portail interdimensionnel, mais ça c’est une autre histoire, on y reviendra un de ces quatres… Alors que le monde est en deuil et que les forces d’Apokolips ne sont plus, la paix s’instaure petit à petit. Les années passent, les arbres et les building repoussent, les oisillons chantonnent le doux refrain de la vie, et cette Terre respire la joie et le bien être. Puis un jour, un zombie sort de terre et c’est de nouveau le bazar. La Vie elle-même, ou ce qui prétend être l’esprit de la Terre, s’engage à trouver de nouveaux protecteurs, dignes des héros d’antan. Et ainsi une nouvelle lignée de Super-Héros va s’élever et combattre contre l’inconnu ! Banzaï !!! (ou un truc comme ça)

DC Comics s’est ramené avec une idée* : « Hey les mecs, si on faisait genre, c’est comme dans les années 60, on a deux terres et tout et tout, et on fait en sorte de former la JSA sur la Terre-2 ? c’est bien non ? c’est bien non ? ». C’était le stagiaire. Mais comme personne ne supportait ses supplications, ils ont cédé. Puis en ce temps là, James Robinson venait de terminer sa maxi-série sur Shade. Il glandouillait un peu dans les bureaux alors les gens ont décidé de l’occuper. Depuis, le mec est tout seul, dans son 4 mètres carré, et passe son temps à s’inventer des histoires. James, il peut faire ce qu’il veut de toute façon, tout le monde s’en fiche, sauf le stagiaire, qui lui est vachement content, en plus il ne se plaint plus, il a même été embauché du coup, mais bref, ça aussi c’est une autre histoire.

James Robinson en roue libre, ça pourrait presque être effrayant. Aussi effrayant que moi qui essaie de vous raconter une histoire* sur les origines de ce titre. James Robinson nous a servi un excellent et inoubliable run sur Starman. Récemment, il nous a fait une maxi en 12 numéros sur Shade qui reprenait cet univers et qui était elle aussi, vraiment pas mal. Mais il est parfois capable de faire des immondices du genre Cry For Justice (Justice à tout prix en VF). Oui, cela n’engage que moi, mais niveau subtilité, le bonhomme est capable du meilleur, comme du pire. Je n’étais pas franchement rassuré. Surtout que sa version de la Justice League (avant les New 52), ce n’était pas ça du tout. C’était même un peu n’importe quoi. Avec des singes dorés géants et des bonhomme bleus. C’était très « curieux ». Alors oui, l’appréhension était à son comble ! J’insiste lourdement là dessus car de ce fait découle en vérité toute ma surprise et donc mon enthousiasme !

Parce que cette série est très bonne. Robinson fait preuve d’inspiration, de bon sens, renouvelle ces vieux héros décrépits pour les remettre au goût du jour, tout en puisant dans les idées du Golden Age (l’exemple de Flash est parfait à ce titre). Il n’hésite pas non plus à faire des parallèles très intelligents avec la Terre principale des New 52 (on dit Earth-Prime il parait, rien à avoir avec la Earth-Prime de Superboy Prime par contre, mais bon, tout ça c’est encore flou alors oubliez ce que je viens de dire !), notamment avec l’idée du Gray qui vient pourrir la planète (l’équivalent du Rot sur Earth-2), il utilise des variantes intelligentes qui évitent l’aspect de répétition, se sert d’anciens personnages pour illustrer tout ça (ramener Grundy en avatar du Gray, c’était très malin, il faut le dire, même si le personnage n’a plus grand chose à voir au final). Et tout se passe avec une fluidité étonnante ! On est tenu en haleine jusqu’au bout et on prend plaisir à découvrir à chaque fois quel nouveau concept le bonhomme va nous ramener et comment il va le réinterpréter. Tout ceci à une cadence assez appuyée et le plus fort, c’est qu’il ne nous perd pas.

La caractérisation des personnages est peut-être par moment assez simpliste, mais une fois de plus, les personnages servent le propos. Que Alan Scott (Green Lantern) soit homosexuel, que Jay Garrick (Flash) reçoive ses pouvoirs des dieux, que Hawkgirl soit finalement identique à ce que l’on pouvait attendre, chacun incarne une identité propre avec ses propres enjeux, ses propres desseins. Tout n’est pas clarifié maintenant mais ils sont tous portés par ce besoin d’héroïsme dont le monde est en manque, besoin nourrit par l’absence d’un Superman sur cette Terre pour porter les autres et conserver l’espoir. Il y a aussi cette crainte, distillée, que Darkseid et son armée puissent revenir finir le boulot, un jour prochain. Et sans super-héros, quels espoirs leur restent-ils ? A travers ces personnages, qui vivent cette naissance chacun à leur manière, le thème est bien respecté et porté à nu, subtilement, doucement, mais efficacement. Ce monde là n’aura peut-être plus besoin de Superman pour survivre. C’est un peu le message sous-jacent que j’ai ressenti, et la puissance du nouveau Green Lantern (dont l’identité reste celle d’Alan Scott) nous laisse penser qu’il pourrait être ce remplaçant que tout le monde espère. Un protecteur choisi par la Terre et par la Vie elle-même. Sans plus d’explication. Tout un symbole. Remplacez Terre et Vie par Dieu, et vous avez votre religion…

Vient ensuite les dessins de Nicola Scott qui m’époustouflent de beauté. Alors oui, en dehors du design de Flash, je trouve que son trait est superbe. L’encrage de Trevor Scott qui va de pair rend la part belle aux dessins. Nous avons là un comics qui se veut brillant, positif et dynamique, dans la lignée de ce qui se fait de mieux. Ce côté positif renforce cette idée de bien être à la lecture du titre, qui se veut à la fois décomplexé, mais bien rempli, avec plein de personnalités différentes, de contextes différents, d’images différentes et de couleurs différentes. Très bon point là aussi.

Vous l’aurez compris, ce n’est qu’un premier tome, mais cette série est déjà pour moi un coup de coeur. J’espère maintenant que le développement des personnages va se faire vraiment sentir, nous ne sommes qu’au début, ils sont tout neuf, tout beau, encore trop simple. Je veux plus de complexité, mais connaissant le potentiel de Robinson sur ce point précis (bien démontré dans Starman ou Shade), je ne me fais pas trop de soucis. Et les dessins, qu’ils restent aussi sublimes, ça m’ira aussi ! Et la bonne nouvelle ? C’est que ce titre débarque en France très bientôt dans … Green Lantern Saga. Oui, personne n’est parfait…

(*)Histoire non authentique, en dehors peut-être de la première phrase…