Reset
6.5
Reset

Manga de Tetsuya Tsutsui (2006)

La dernière croisière d'Achab

Bon, je vais encore me payer le père Tsutsui. C'est pas que j'aime ça, mais il se jette constamment sous mes roues alors que je n'ai pas souhaité le rencontrer. Je vais me le payer, c'est tout. Cela, je le sais et pourtant, je n'ai pas encore lu Reset tandis que je m'affaire présentement à rédiger ce préambule. L'homme, que dis-je... l'ââârtiste, exerce sur moi une forme de magnétisme qui me fait mal aux plombages ; je grince des dents rien qu'à le lire.
Il pourrait y avoir l'exception qui confirme la règle, l'occasion rêvée pour que je puisse enfin poser les deux genoux à terre et faire mon mea culpa devant une œuvre susceptible d'en valoir la peine... Mais en tout état de cause, s'il en est un qui devrait s'excuser, c'est encore lui. Qu'on s'entende bien : c'est lui qu'a commencé, pas moi !
Oui, la posture que je soutiens est immature, mais je crois qu'elle se légitime du fait que je sois en guerre contre cet homme-là. D'autant plus que c'était pas ma guerre colonel ; au départ, je lisais et critiquais simplement les mangas de plusieurs top 100, le tout, sans discrimination d'aucune sorte. Je prenais ce qui venait, rien de plus.. Mais le voilà qui revient à la charge pour la cinquième fois. Qu'on ose me dire qu'il n'y a pas comme une forme d'acharnement de sa part ; que le casus belli ne vient pas de lui. Qu'on me le dise ! Qu'on ose !


Tetsuya Tsutsui ? C'est rien moins le Kenshirô de mon Raoh, le Kaneda de mon Tetsuo, le Son Goku de mon Végéta, le L de mon Kira, le Griffith de mon Guts, Le Naruto de mon Sasuke, le Tenma de mon Johan, le Kuroro de mon Hisoka, le Sasaki de mon Musashi, le Dio de mes Jojos, le Sakuragi de mon Rukawa, le Manji de mon Shira, le Sugawara de mon Narushima, le.... non, là c'est bon, je pense avoir écoulé mon quota de références.
Tout ça pour vous dire qu'entre lui et moi... c'est pas l'entente cordiale. Mes critiques, en ce qui concerne son œuvre, je les rédige maintenant du bout de la lame.


Un bon point pour commencer - voilà qui surprend - les dessins sont au sommet. Du moins, comparativement à ce à quoi nous aura habitué le petit père Tsutsui. On sent que Poison City et Dud's Hunt ont été graphités en vitesse sur un coin de nappe. On l'espère tout du moins, ce serait encore le seul moyen de sauver l'honneur. Si tant est que quoi que ce soit puisse être encore sauvé après que Tsutsui se soit si abondamment appliqué à la politique de la terre brûlée. Une politique qui l'aura par le passé amené à immoler jusqu'aux dernières bribes de sens commun dont il disposait.
Toujours est-il que le dessin ici est détaillé et travaillé, mieux encore que du temps de Manhole. Il se sera appliqué. Tout du moins, graphiquement parlant. On le sent plus assuré dans la disposition des planches, je ne retrouve pas ce à quoi j'ai été habitué, mais plutôt un paneling qui se sera voulu audacieux. Et ç'aura été payant. Assez pour que son ennemi le plus mortel en vienne à louer ce qui lui a été présenté.
Qu'on s'entende et qu'on me lise : est pas un chef d'œuvre non plus, on en est très loin. Mais pour qui aura suivi le parcours de l'auteur, l'amélioration du trait y est patent. Tsutsui se sera démené pour se sublimer et y sera parvenu au regard de ses dessins.


Le rythme du récit est en revanche abominablement mal maîtrisé. Les présentations du premier chapitre sont abruptes, l'introduction de l'intrigue assez maladroite et même chaotique par endroits, ça cherche à trop bien faire plutôt qu'à faire les choses convenablement. Alors forcément, ça se vautre. Et quand il est question d'un manga d'un volume seulement, qui plus est de la plume d'un auteur dont la réputation n'est plus à faire - surtout depuis que je me suis employé à y contribuer - c'est pas fameux. On est en droit d'attendre mieux.


Tout est est déjà si téléphoné et je n'en suis qu'à la moitié du premier chapitre alors que j'écris cela. Le beau jeune homme, enseignant consciencieux, la jeune fille innocente et blasée par des circonstances qu'elle subit, tout ce petit monde qui se retrouve après des années... de l'oxygène vite. Monsieur Tsutsui ne déroge pas à la formule des gens gentils qui sont beaux et des vilains à sale gueule. Ah ça non alors, ça aurait été bien dommage de nous priver de tels élans de manichéisme échevelé. Je devinais déjà que la belle serait veuve avant la fin du premier chapitre. Fallait bien ça pour justifier une idylle planante avec son fonctionnaire de Roméo.


Kitajima,dès la première planche où je le croisais, me donnait déjà envie de l'étrangler. Là encore, Tsutsui se surpasse pour nous présenter des personnages qui en sont si parfaits qu'ils deviennent instinctivement antipathiques. Imaginez un poseur qui croit que chaque mot qui lui sort du claque-merde soit un one-liner. Imaginez que ledit poseur soit beau, intelligent, courageux sans même avoir à faire paraître une ombre au tableau. Ça fait relativiser le Shônen moyen, hein ?
Car même dans le moindre Shônen, je retrouve infiniment plus de mesure dans la construction des personnages. Le tout, en étant en plus dispensé du ton prétentieux d'un auteur qui s'imagine puiser dans la profondeur même de la philosophie expérimentale chaque fois qu'il tremble sa plume dans l'encrier.


Tout ce que le manga pourrait avoir de dérangeant, on ne peut pas s'empêcher de le trouver risible. L'auteur est si malhabile et finalement si peu impliqué dans la mise en scène de son œuvre que tout n'apparaît que comme un concentré de maladresse. C'en devient grossier.
On en parle du Game Master fou aux airs de Freddy Krueger et aux rires de dément ? Non. On va s'abstenir. Je dois racheter un clavier chaque fois que j'écris une critique sur une déjection Tsutsuique ; alors on va tâcher d'éviter les frais et se contenter de rappeler sobrement que chaque personnage de Reset est un pur témoignage de la mesure d'écriture de son auteur. Au début on en rit. Mais au début seulement. Parce qu'après, on réalise qu'il était sérieux.


Reset ? Un Isekai JV aussi chiant que prétentieux. Y'a pas d'idée, y'a de l'encre.
Le scénario ? Des gentils s'attaquent à un méchant. Mais entre temps, ils parlent beaucoup pour ne rien dire. Aussi pour définir un jeu dont les contours ont été très mal définis, plus mal encore que la motivation derrière l'écriture d'une pareille purge, on balbutie, on ergote et on abandonne les explications.


Alors forcément, ça finit comme ça doit finir ; en taillant une pipe à Kitajima - qui est de toute manière si parfait qu'il aurait pu le faire lui-même - en rappelant à quel point il est doué et qu'il devrait travailler chez des experts d'une obscure organisation. Et en parallèle ? Une morale creuse «Ce n'est pas facile de faire face au monde quand on est une femme célibataire.» Et elle va de l'avant. Bravo. Je suis tenté de monter un festival des poncifs pour nommer Tetsuya Tsutsui président d'honneur. La place lui revient de droit.


Et au fait... il a servi à quoi Yoshioka dans l'intrigue ? Je n'ai pas de réponse définitive à la question, mais si je vais m'essayer à en formuler une, je dirais qu'il a servi à la même chose qu'à l'existence de Reset en premier lieu.
Merde, il n'y a que six chapitres compilés dans un seul volume, et on a pourtant là un recueil de tout ce qu'il ne faut pas faire dans l'écriture d'une fiction. Tout a été mal construit. Qu'une œuvre qui se prolonge sur des années se délite, ça se conçoit... mais un tome, un seul... on peaufine, on soigne, on arrondit les angles en principe.


Reset est un de ces mangas, une de ces «œuvres majeures» où l'on peut achever sa lecture en s'exclamant «Au moins, c'était pas trop long» tout en ayant néanmoins le sentiment légitime d'avoir perdu un temps précieux à prendre connaissance de ce qui eut mieux valu être ignoré de tous.
Le manga ne suggère même pas la rage de son lectorat tant le ridicule du contenu n'a d'égal que son caractère insipide. Reset aurait dû être un brouillon, une ébauche, un premier jet, quelque chose qui demandait à être lourdement approfondi.
Sans doute persuadé d'être touché par la grâce, Tetsuya Tsutsui a dû se dire que sa première idée ne pouvait être que la bonne. La lecture de Reset vous persuadera du contraire.

Josselin-B
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le 24 déc. 2021

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Josselin Bigaut

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