Mangas et jeux vidéo sont parmi mes principaux centres d'intérêt, autant dire que j'étais enthousiaste à l'idée de les voir réunis dans "Reset". Enthousiaste mais méfiant, conscient du traitement maladroit et souvent malveillant dont les jeux vidéo sont victimes.
Il n'aura pas fallu longtemps pour que mes craintes soient confirmées. Dystopia nous est présenté comme un jeu ultra-réaliste qui pousse les personnes au suicide. Problème, on n'y croit pas un seul instant. Déjà, le jeu tourne sur un pauvre PC ordinaire, sans casque de réalité virtuelle ou autre système immersif inventé pour l'occasion. L'action ne se déroule même pas à la 1ère personne... Pourtant, dès la création de son avatar, l'héroïne peine à différencier le vrai du faux. On la voit complètement perdue, suant à grosses gouttes au moindre évènement se produisant in-game (apparition d'un personnage, destruction du décor) et choquée par le fait d'être butée au bout de 30 secondes de jeu. Elle en vient même à débrancher son PC, avant d'aller vomir. À ce stade de l'histoire, on imagine qu'il y a une bonne explication derrière ses réactions viscérales mais non, aucune ! L'auteur se contente de faire répéter à ses personnages que "olala, ça parait vraiment vrai", laissant entendre qu'il suffit de graphismes photoréalistes pour perturber à ce point une femme adulte saine d'esprit.
Le jeu en lui-même -accessible uniquement pour les habitants d'une certaine résidence, celle de son créateur- consiste à l'origine en une guerre de territoires. Il a ensuite évolué en bac à sable hyper-violent, où les joueurs se contentent de s'entretuer sans raison. Les enfants décapitent leurs potes pour jouer au foot avec leur tête, et les adultes sautent du haut d'un immeuble pour voir qui laissera la plus jolie flaque de sang sur le bitume... Des exemples d'une violence gratuite assez extrême, mais finalement pas si éloignée d'un GTA, sur le principe. Ce qui me dérange, c'est que pour le lecteur, Dystopia se limite à ça. Malgré des possibilités de gameplay que l'on devine nombreuses, compte tenu du réalisme du jeu (qui dispose d'un moteur physique dont le héros nous vante les mérites), les joueurs se contentent de tuer, de mutiler et de détruire grâce aux armes qu'on leur fournit en abondance. À aucun moment on en voit un faire du parachute ou conduire une Ferrari. Non, ce qu'ils veulent, c'est du sang ! Notez qu'il n'y a apparemment que des mecs sur Dystopia, hormis l'héroïne. Les filles ont mieux à faire que jouer aux jeux vidéo !
Et les suicides dans tout ça ? Bah... Je dois avouer que je n'ai pas vraiment compris cette histoire. On sait que Dystopia est géré par son créateur, un jeune victime d'un incendie criminel qui l'a brûlé sur la quasi-totalité du corps. Il se considère comme le Dieu de Dystopia et se sert du jeu pour se venger des responsables de ses blessures, mais aussi pour conduire les autres joueurs au suicide. Bref, un gros psychopathe.
Ce qu'on ne sait pas en revanche, c'est comment il s'y prend. Les joueurs se donnent la mort après avoir vu "You have failed at life. Please Reset" apparaitre devant eux dans la réalité. Est-il magicien ? Est-ce le résultat du message subliminal très subtil ("Die") caché dans le Game Over ? Si oui, pourquoi voient-ils tous cette même phrase ? Et pourquoi se suicident-ils, bon sang ? Pour trouver la "réponse" nous dit-on, la réponse à la question "Notre monde est-il réel ?". Ça n'a pas de sens... Le jeu incite directement à la violence envers les autres, pas au suicide, qui serait plutôt le résultat d'une lourde addiction et d'une grave perte du sens des réalités. Bref, il n'y a aucune chance qu'une telle vague de suicides survienne au sein d'une même résidence. Les protagonistes parlent carrément de risque à l'échelle planétaire, si le jeu venait à sortir du quartier où il est confiné. C'est pas crédible.
On atteint le sommet du ridicule lorsque l'héroïne, ayant elle aussi fait face au même message que les autres, tente à son tour de se suicider. Encore troublée par le viol subi par son avatar, elle ne comprend pas son geste. J'ai été tenté de croire qu'elle n'était elle-même qu'un personnage de jeu vidéo contrôlé par un joueur. En fait non, c'est pas le cas, ce manga est juste débile.
La fin n'est pas plus logique que le reste. Le héros parvient à hacker Dystopia, il botte le cul du méchant, celui-ci tente de se suicider en entendant la police arriver, et se fait arrêter alors que le héros expliquait auparavant n'avoir aucune preuve recevable contre lui. En conclusion, une morale mièvre : la vie est précieuse, on a toujours la possibilité de prendre un nouveau départ, se tuer c'est mal. La violence est bannie de Dystopia et tout est bien qui finit bien.
"Reset", en plus de faire du tort aux jeux vidéo, est un mauvais thriller bourré d'incohérences alors qu'il ne compte que 6 chapitres. L'auteur ne maitrise ni son scénario, ni son sujet. Il condamne tantôt les joueurs, tantôt les développeurs, et j'ai du mal à comprendre quel message il essayait de faire passer... Je mets 3 étoiles pour les dessins, plutôt bons, et quelques passages amusants. Ça mérite pas plus.