Différent mais toujours aussi bon!
En 1949, les autorités américaines créèrent Neopolis une ville où tous les habitants étaient des héros de la science, des vampires ou des robots. Mais les tensions internes faillirent la conduire au bord du chaos.
Des années plus tard, Smax, le barbare quitte cette même ville pour retrouver sa dimension, la faisant découvrir à sa jeune partenaire (contient The Forty-Niners #1 à 4 et Smax #1 à 5).
Ce troisième tome est un peu différents des deux véritables perles que nous avons eut avant. On retrouve deux miniséries au sommaire, ainsi qu’une bonne cinquantaine de pages de bonus.
La première saga : « The Forty-Niners » est une plongée dans le passée de Néopolis. En 1949 exactement. Au moment où Steve « Jetman » Treynor débarque en ville. On y découvre une Néopolis bien différente, encore loin de celle que nous connaissons. Elle cherche son identité, un peu à l’image de Steve Treynor qui cherche tant sa place dans la société que son identité sexuelle.
La couverture est un peu trompeuse, car nous ne verrons aucun autre protagoniste des deux premiers volumes. Hormis Smax et Robyn dans la seconde mini.
Steve Treynor arrive donc, bien jeune, à Néopolis, en compagnie de Leni Muller. Héros de guerre, malgré son âge, il va se retrouver à travailler sur une base aérienne, sans trop vraiment savoir si c’est ce qu’il désire. Notons que ce récit ne nous montre pas comment Jetman est rentré dans la police, mais uniquement son arrivée à Néopolis. Son amie, Leni, elle, va intégrer la police et nous permettre de découvrir les anciennes légendes, dont le papa de Robyn.
Comme pour l’œuvre originale, Gene Ha, nous offre un univers travaillé de A à Z et d’une très grande richesse ! Et les personnages sont eux aussi profondément travaillé. Même les personnages que l’on voit peu, tous ont le droit aux mêmes soins de la part de Gene Ha. Du grand art ! Que dire de plus sur ce dessinateur de talent, il donne encore une fois vie à l’imagination d’Alan Moore.
Même si ce voyage dans le passé n’apporte pas une foule de choses pour l’œuvre d’origine, c’est une visite intéressante des fondements de Néopolis. La ville était alors en proie à une farouche opposition entre des humains « racistes » et les robots et les vampires. Encore une fois, Alan Moore utilise son œuvre pour traiter de grands sujets, ici avec le racisme, et jusqu’où ce sentiment peut nous amener. Il profite aussi de centrer son histoire sur Jetman pour aborder le thème de l’homosexualité et la difficulté des homosexuels à accepter eux-mêmes, cet amour trop souvent mal vu hélas.
La seconde minisérie se concentre sur Smax et Robyn. Le géant bleu se rend dans son ancien monde et emmène avec lui, sa partenaire. Et là, énorme surprise, si la première histoire était très sérieuse, avec de grandes réflexions et des dessins tout aussi beaux, on se prend une vilaine claque en découvrant que Smax vient d’un monde de contes de fée complètement amoral ! Où Alan Moore s’amuse avec de nombreux clins d’œil : Harry Potter, Casper, le robot de Fritz Lang, Winnie, j’en passe et des meilleurs. C’est un véritable plaisir de chercher et découvrir tous ces clins d’œil au fil du récit.
L’histoire d’Alan Moore, qui se situe cette fois-ci après Top 10, est un pastiche d’Heroïc Fantasy. Smax était un chasseur de dragons avant d’arriver à Néopolis, élever par des nains un peut porter sur le SM et ayant une profonde envie de partager son lit avec sa sœur, géante et bleue également. Alan Moore s’amuse à se moquer gentiment de cet univers. Une fois sur place, Robyn comprendra qu’elle n’est là uniquement pour empêcher son coéquipier de coucher avec sa sœur, elle se mettra alors dans les bras d’un elfe à la recherche d’une carte verte. Et alors qu’il pensait avoir tourné la page, Smax va se retrouver dans une quête à la Donjon et Dragon, ayant un impact très important sur lui.
Nous découvrirons également son passé assez tragique, qui explique grandement son côté un peu, beaucoup bourru qu’on lui connaît.
Côté dessin on est loin des traits de Gene Ha. Ceux de Zander Cannon ont un côté enfantin, collant au final parfaitement bien au récit.
Deux récits pour deux approches totalement différentes. Forty-Niners nous plonge dans la création de Néopolis, dans un univers dur et sombre, merveilleusement illustré par Gene Ha. Où Alan Moore aborde des sujets de société à travers son univers riche et profond. Puis une histoire qui semble plus simpliste tant par le scénario que les dessins mais qui au final peut être lue par des jeunes et moins jeunes et leur apporter à chacun quelque chose. C’est une véritable petite pépite d’écriture de la par de Moore. Et comme toujours dans son œuvre Alan Moore met en avant l’envie et le droit à la différence de chaque individu au sein d’une même société pas toujours suffisamment ouverte. Que ce soit à travers l’homosexualité de Jetman ou l’amour incestueux de Smax. Top 10 reste un formidable récit d’Alan Moore où le maître pointe du doigt l’intolérance de notre société !
Petit mot sur les, nombreux, bonus de cette édition. Des couvertures, des croquis de tous les personnages avec des annotations de Gene Ha, et le processus créatif de pas mal de pages des tomes 1 et 2. Une édition absolument magnifique et complète.
Bref, assez loin des deux premiers volumes, ces deux miniséries n’en restent pas moi tout aussi riches, travaillées et profondes. Alan Moore continue de s’en prendre à notre société à travers le monde, tellement différent mais en même temps si proche de nous, de Néopolis, où peut importe notre puissance, notre look, nos pouvoirs, notre race, il y aura toujours une majorité oppressante pour tenter de nous empêcher d’être nous-mêmes pour peu que l’on soit un tantinet original ou hors de la normalité acceptable. Loin de la série-mère mais tout aussi indispensable.