Pour les adeptes de pirates charismatiques...
Les pirates m’ont toujours fasciné. Ils sont hors-la-loi et aventuriers. Ils ont des looks inégalables et leur code d’honneur est légendaire. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour en mettre plein les mirettes. « Long John Silver » de Dorison et Jauffray a ouvert récemment une renaissance pour le genre dans le neuvième art. « Barracuda » né de la plume de Jean Dufaux et Jérémy s’inscrit dans cette lignée. Ma critique d’aujourd’hui porte sur quatrième de tome de cette saga intitulé « Révoltes ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage de cinquante-six pages coûte quatorze euros. Il nous offre une couverture splendide. Le personnage représenté affronte notre regard de face. Il semble émerger de l’eau, prêt à en découdre. Les tons chromatiques bleus nuit font naître une atmosphère envoûtante de cette illustration. La quatrième de couverture nous annonce : « Pas de pitié. Pour personne. Jamais. » Tout un programme…
Le début de la narration est précédé par un résumé du tome précédent : « Puerto Blanco révèle ses secrets… La liaison entre Maria et Raffy est dévoilée. Ferrango fait payer cher ses années d’humiliation : le corps du jeune homme est marqué à vie et Marie est vendue à Morkam. Mais celui-ci n’en profitera pas. Emilio l’achève sans pitié, comme Mr Flynn l’a été. Dans une ambiance feutrée, les découvertes ne sont pas moindres : la gouverneure était la maîtresse du Faucon Rouge ! … et le danger guette. Tandis que le Barracuda se rapproche des côtes, porteur de la malédiction du diamant du Kashar, le capitaine de La Loya et ses deux galions espagnols attaquent l’île ! »
Beaucoup de trames narratives mettant en œuvre des pirates se construisent autour d’épopée maritime vers des terres inconnues en quête de trésors légendaires. « Barracuda » se démarque de ces codes en déroulant une intrigue quasiment uniquement terrienne. Sur les trois premiers tomes, très peu de planches se déroulent en mer. Cet angle de vue sur ce fascinant univers de flibustiers est intéressant et offre une identité originale à la série de Dufaux et Jérémy. « Révoltes » ne déroge pas à la règle. Seules les trois dernières pages se déroulent sur l’eau et à aucun moment nous ne nous éloignons des rives de Puerto Blanco.
La localisation de l’histoire s’inscrit dans la continuité des épisodes précédents. Par contre, l’ambiance change. L’équilibre qui semblait régir la vie sur l’île est complètement chamboulé. La révolution est en marche. Elle se construit sur plusieurs plans. Les statuts des uns et des autres sont chamboulés. Les rapports sociaux hiérarchiques sont amenés à être bouleversé. Le scénario dégage avec talent cette atmosphère de chaos qui accompagne la lecture. Le lecteur ressent avec intensité ce sentiment d’angoisse qui existe à chaque coin de rue. Il est compliqué de savoir de quoi sera fait le lendemain tant les batailles se multiplient et les camps sont nombreux. Cet ouvrage est vraiment une belle réussite en arrivant à maintenir son rythme effréné et oppressant du début à la fin.
Le plaisir dégagé par cette série découle en partie de l’empathie générée par son trio de personnages principaux. Ils sont tout justes sortis de l’adolescence. L’un est fils de pirate, le second est une fille de noble espagnol et le dernier est à l’identité sexuelle indéfinie. Ils sont liés par leurs trajectoires et leurs destins. Chacun possède une identité et une aura qui touche le lecteur. De plus, le fait qu’ils soient trois densifie ainsi l’intensité dramatique et émotionnelle de l’histoire. « Révoltes » ne déçoit pas sur cet aspect. En effet, les révoltes en cours ne prêchent pas forcément pour la survie paisible de nos héros. La lecture est donc intense tant l’inquiétude pour le devenir de tout ce beau monde est forte.
Pour conclure, cet album est un bon cru. Il s’inscrit parfaitement dans la continuité des trois précédents épisodes tout en changeant le rythme et le ton de la narration. Comme à son habitude, Dufaux arrive à faire naître de vraies interrogations de sa dernière planche et attise ardemment la curiosité de son lecture dans l’attente du tome suivant. Mais cela est une autre histoire…