Demie Satisfaction...



Aux origines de Rocket Raccoon, il y a l’errance de Hulk dans un vieux numéro : aux confins de l’univers, ce dernier pénètre le Demi-Monde et croise le chemin du raton-laveur. En 1985, Mike Mignola souhaite s’emparer du personnage et c’est sur un scénario déjanté et emporté de Bill Mantlo que paraissent alors Les Contes du Demi-Monde.


Dès l’entrée, le ton est donné, entre aventures bestiales aux enjeux vils, bassement humains et humour décalé, assumé jusque dans les onomatopées du lézard qui meurt sous les balles d’un clown tueur et sarcastique en faisant Snap Crakle Plop ! Rapidement le décor de tensions, prélude à la guerre, entre une alliance de lézards, de singes et de lapins contre une taupe enragée à la tête d’une armée de clowns mécaniques, pose l’enjeu principal, toujours de manière décalée, de ce conflit disproportionné entre fabricants de jouets.
Pour intervenir dans le conflit, Rocket Raccoon est appelé à la rescousse. Une intervention qui n’est autre qu’un prétexte à mille aventures déjantées, à de monstrueux affrontements, et surtout aux révélations fantasques sur



l’origine du Demi-Monde, et par-delà des animaux qui le gardent, Rocket Raccoon en première place.




One flew east, one flew west, one flew over a cuckoo’s nest. 


Alors Bill Mantlo multiplie les enjeux et offre à Mike Mignola l’opportunité de s’en donner à cœur joie autant dans le bestiaire que dans les décors : en plus du conflit en germe à tenter d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard, Rocket Raccoon doit gérer le vol du livre sacré, l’enlèvement de Lylla la loutre, sa douce fiancée de fourrure, et composer avec les diverses trahisons et revirements du lièvre O’Hare. L’univers est riche autant dans l’illustration que dans sa composition narrative : bestiaire humanisé, robots silencieux à l’incessante activité, et humains dégénérés à protéger jusqu’au cœur de leurs élucubrations délirantes.


Si le dessin de l’artiste est agréable, trait fin et expressif,



portraits du rongeur et de ses ennemis magnifiques par moments,



la mise en couleur eighties de pastels passés n’est pas ce que je préfère et donne un aspect léger à une narration pourtant empreinte de gravité : le volume manque cruellement d’ombres et de densité, de contraste entre les différents épisodes. On est loin, et un peu déçus du coup, du Mike Mignola de Hellboy, aux lourds contrastes obscurs.
Le scénario à rebondissement de Bill Mantlo est également trop léger, le propos reste sans profondeur malgré l’apparente complexité. La lecture s’en trouve dérangée, se heurte aux répétitions autant qu’aux ellipses inexpliquées et aux raccourcis un peu faciles. Au final,



le récit pêche un peu par un manque de caractère



et l’on se dit que l’univers n’est sympathique que par ce qu’il nous raconte des origines de l’irascible et pourtant sympathique raton-laveur.



... et Référence Animale



Le volume est, sinon sauvé, du moins largement rattrapé par la prestation conjointe d’un trio de jeunes auteurs : Dan Abnett et Andy Lanning au scénario, Timothy Green II au dessin, impressionnant ! Vingt-sept ans séparent les deux récits, les techniques de dessin évidemment ont évoluées, mais



la leçon d’efficacité est là :



scénario enlevé sur un rythme éreintant, impossible à lâcher, dessin soigné et signé, montage percutant, à l’attraction puissante, irrépressible, Batteries Not Included est



un délice de récit court, intense et explosif.



Le scénario joue excellemment la mise en abime du marketing contemporain et ironise avec justesse sur le consumérisme dépravé des franchises même que les deux héros représentent : Rocket Raccoon et Groot sont ici piégés dans un studio télévisé, marionnettes sous les manipulations d’un réalisateur aux yeux Orange Mécanique, obsédé par les profits que ne manqueront pas de générer son produit. Le rythme de l’action autant que celui des révélations se mêlent alors en une dynamique entraînante et intelligente, délire exacerbé du marionnettiste à l’œuvre en écho aux plaisirs de l’imaginaire des auteurs, ponctuée des rappels cyniques de cette mise en abime narrative dont les héros cherchent à s’extraire.


Le dessin est superbe :



une claque de précision contemporaine !



Timothy Green II donne une version attachante du raton-laveur, cache la rage contenue et la colère sous les allures de peluche d’une fourrure de compagnie nerveusement douce. Les contrastes empruntent pour le coup à l’univers dense de Hellboy, rendant hommage au maître, avec une légèreté justifiée dans le caractère insouciant et confiant des personnages, qui se joue dans les couleurs vives mais jamais tranchées des décors. L’impressionnant montage dynamique, lancé à toute blinde, termine d’entraîner le lecteur dans



une lecture sans relâche.



Un must absolu pour tous ceux qui cherchent une aventure référence du raton-laveur !

Créée

le 13 mars 2017

Critique lue 173 fois

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