Ce premier avril (n'y voyez aucun poisson), plus de 25 ans après sa première édition, Casterman redonne vie au personnage de Malcom dans Rose Profond. Le retour d'un anti-héros, critique du monde tout et trop guilleret de Mickey et ses amis. Et il est plus dans l'air du temps que jamais.
En 1989, Jean-Pierre Dionnet et Michel Pirus font autant sensation que scandale avec la parution Rose profond. Une vision réaliste et plus équilibrée des joyeux mondes des dessins animés made in Disney où le sourire est seul travail. Ils créent ainsi Malcom, un rat, alter-égo de Mickey (mais ressemblant quand même plus à Mortimer), menant avec brio ses propres aventures en pays rose. Et il se trouve que Malcom, apprécié de tous, ami des enfants par excellence, fête ses 50 ans aujourd'hui. Une grande fête est donnée. Une fois n'est pas coutume, l'alcool coule à flot. Et Malcom se fait insistant, un peu trop, auprès de la jolie bergère Mimi qui flirte avec lui depuis 50 ans. Alors, les gestes se font déplacés à l'orée de la forêt et Malcom commet l'irréparable, l'irrémédiable: il viole Mimi. Malcom est alors maudit, renvoyé à jamais de cette terre chérie où la bonne humeur est religion et le temps ne fait offense sur aucun visage.
Vous l'aurez compris, si le trait de Pirus a l'excellence des meilleurs Disney (belle époque, ce qui n'est pas sans créer une certaine nostalgie), on s'éloigne bien vite des sentiers balisés en toute innocence par les équipes du vieux Walt. Et si, finalement, Pirus et Dionnet avaient été des précurseurs dans le monde franco-belge (à l'instar de Moore et Franck Miller à la même époque, outre-atlantique), peut-être incompris mais visionnaires. Car aujourd'hui, sur les toiles comme dans les BD's (surtout côté comics), c'est la part noir qui prédomine. Chaque héros, autrefois aussi légendaire qu'intourmentable, bénéficie désormais des plus noirs tourments et lutte contre lui-même. Spiderman, Batman et tous les autres sont passés par là. Le temps est à la noirceur de l'âme, aux sentiers torturés. Sans doute l'époque qui veut ça. Et Mickey, super-héros des enfants finalement, n'est pas intouchable. Pourquoi n'aurait-il pas ses failles, ses déchirements?
Et pourquoi ces personnages vivraient-ils dans un monde asexué, sans travail, sans nuage? Sous des dehors explicites (quelques cases tout au plus), Pirus et Dionnet rétablissent la vérité vraie, dans une fable pour adulte réjouissante. À mettre dans les mains des plus de 16 ans, entre hommage et parodie critique et délicieuse.
Bonus: cette réédition au format de luxe (reliure rose, grand format) mais à prix abordable s'accompagne de The Malcom Connection fait de lettres échangées par un anonyme autour du projet de Pirus et Dionnet. Avec des dessins d'inspiration et des croquis mais aussi l'histoire des studios AAA, ceux qui régnaient avant Disney.