Le post apo est devenu un arrière plan rebattu de la scène comics plus ou moins indé. Garth Ennis y a grandement contribué avec Crossed.
De ce point de vue, Rover Red Charlie se montre d'abord tout sauf original. Sauf que l'angle choisi, finalement, intrigue et stimule l'imagination.
En effet, si Rover Red Charlie s'intéresse à un groupe de survivants, Garth Ennis écrit son récit... A hauteur de chien. Et donc de leur compréhension des événements qu'ils traversent. Ainsi, tout d'abord, il n'y aura jamais de cause claire à l'origine de cette fin du monde et de cette humanité tombant dans le chaos de la violence. Ils ne saisissent donc pas immédiatement tous les tenants et aboutissements de leur nouvelle condition, essayant de se rattacher à leur ancien monde, à leurs repères quotidiens, et à des maîtres qui ne seraient pas tombés dans la folie ambiante.
Rover, Red et Charlie sont immédiatement attachants, grâce au superbe dessin de Michael Dipascale, qui anime nos trois cabots de fort jolie manière dans leurs errements et leurs questionnements. Le récit, lui, balançant constamment entre le ludique, le tragique, le transgressif, voire l'immonde, c'est à dire finalement entre tout ce dont est capable l'homme, tant vis-à-vis de son meilleur ami que du monde qu'il détruit et qu'il saigne à blanc.
Comme il le faisait dans le formidable The Boys, ce sale gosse de Garth Ennis teste encore une fois les limites, dans ce nouveau détournement de l'Odyssée d'Homère, et se montre volontiers frondeur et choquant à l'occasion de quelques épisodes pour le moins épicés. Et même si les hommes sont presque constamment absents du décor, c'est bien vers ces derniers, à travers les canidés qu'il met en scène, qu'ils se tournent pour leur balancer à la tête une critique acerbe de la destruction qu'ils engendrent, de tout le mal qu'ils peuvent faire.
Pour faire preuve, dans la dernière ligne droite de cette errance, d'une certaine touche de poésie et d'espoir, pour un monde livré à des âmes simples, des animaux libérés de notre présence envahissante, de nos plaisirs égoïstes, aboyant dans le couchant d'une liberté nouvelle et surprenante.
Le parallèle avec la condition humaine coulera de source, tandis que cette relative anarchie bon enfant pourra faire sourire. Dernière émotion suscité par un récit qui n'en manque pas. Mais ce sourire ne naîtra pas d'un quelconque ridicule final, mais d'une satisfaction de voir un monde, sans doute, placé tout simplement en de meilleures mains que les nôtres.
Un sourire mâtiné d'espoir ponctuant le fait que tout peut recommence enfin, sans que cette fois-ci, tout ne soit gâché.
Behind_Who let the dogs out ?_The_Mask.