Au premier abord, le dernier Chris Ware est presque décevant. Il faut dire qu'après "Building Stories", véritable monument de la BD tant sur la forme que sur le fond, le format presque classique de "Rusty Brown" étonne (bon, on reste quand même sur du bon gros pavé en format paysage façon "Jimmy Corrigan"). Mais le contenu est tout de même étonnant : "Rusty Brown" est en fait la compilation de plusieurs travaux de Chris Ware, dessinés au fil des années en parallèle de ses autres livres, et on se retrouve donc avec des dessins séparés de 16 ans entre le début et la fin du récit.
On peut d'ailleurs voir l'évolution du dessin et de la narration au fil des segments : si dans la première partie on est sur du comics underground à la Clowes assez classique, le ton change assez vite et on bascule ensuite dans du pur Chris Ware. Le segment le plus bluffant de ce livre, initialement paru en one-shot sous le titre "Lint", est peut-être son chef-d'oeuvre. Il suit la vie d'un personnage, de sa naissance à sa mort, consacrant une page à chaque année de sa vie, depuis son point de vue. Ainsi, lorsqu'il est bébé, sa vie n'est représentée que par quelques couleurs, sensations et formes géométriques. Puis au fur et à mesure, le décor, la perspective, les dialogues s'ajoutent petit à petit, comme une mise en abyme de la création d'une bande dessinée et de son histoire.
Même si au final il ne s'agit que d'une mise bout à bout de plusieurs travaux de Chris Ware, "Rusty Brown" n'en reste pas moins aussi fort, voire écrasant, que ses prédécesseurs.
Fabien - 9/10
PS : Un immense bravo général aux éditions Delcourt (je n'ai pas de lien personnel ni d'actions chez eux, promis !) pour le travail gigantesque (et impeccable) de traduction et d'adaptation qu'elles fournissent pour pouvoir proposer l'oeuvre de Chris Ware en français.