S.O.S. Bonheur, c’est un peu comme si Black Mirror avait été créé dans les années 80 avec des crayons affûtés comme des scalpels et un scénariste qui avait décidé de disséquer notre société jusqu’à l’os. Jean Van Hamme et Griffo nous livrent ici une dystopie visionnaire qui n’a rien perdu de sa mordante pertinence. Une claque graphique et narrative à la fois fascinante et terrifiante.
Le principe est simple : imaginez un monde où le bonheur est une obligation. Mais attention, pas le bonheur spontané et libre, non, celui qui est réglementé, contrôlé, mesuré. Le gouvernement décide ce qui est bon pour vous. Un travail ? Obligatoire. Une famille ? Planifiée. Une pensée critique ? Circulez, y’a rien à voir. Et si vous déviez de la norme ? L’état s’occupe de tout. L’angoisse.
Van Hamme, en maestro de la narration, découpe son récit en plusieurs histoires interconnectées, chacune explorant une facette de ce cauchemar administratif. Que ce soit la privation des libertés individuelles ou la manipulation des masses, chaque chapitre est une gifle, portée avec une précision diabolique. Le ton est glaçant, parfois presque trop réaliste, mais toujours captivant.
Griffo, de son côté, sublime le tout avec un trait qui oscille entre réalisme froid et atmosphère oppressante. Les visages sont expressifs, les décors minimalistes mais chargés de sens, et chaque case semble alourdie par l’ombre du contrôle totalitaire. C’est une plongée visuelle dans un univers où le moindre sourire semble suspect.
Ce qui frappe, c’est l’actualité presque prophétique de l’œuvre. On y trouve des résonances avec notre obsession contemporaine pour les normes sociales, les algorithmes qui dictent nos vies, et le contrôle croissant des états sur les libertés individuelles. Van Hamme et Griffo avaient vu juste, et c’est à la fois fascinant… et terrifiant.
Si on peut reprocher une chose à S.O.S. Bonheur, c’est peut-être son pessimisme absolu. L’espoir ? Il a pris des vacances, et il n’est pas près de revenir. Mais c’est aussi ce qui rend l’œuvre si puissante : elle nous confronte à l’urgence de défendre nos libertés, avant qu’il ne soit trop tard.
En résumé : S.O.S. Bonheur est un chef-d’œuvre de la bande dessinée dystopique, une fresque glaçante sur les dangers du bonheur imposé et de la standardisation des vies. À lire pour se réveiller d’un cauchemar… ou pour éviter d’y plonger.