Alors que la société traditionnelle japonaise est un monde où les rituels sont quotidiens, les maisons closes ne font pas figures d'exception. Sakuran est un manga exceptionnel, un one-shoot surprenant nous amenant dans ce lieu où la dépravation ne règne pas, mais où le sexe, la sensualité, la conversation, la morale, tout se vend. Un monde où règne l'apparence et les manipulations.
Kiyoha est une courtisane très remarquée. Elle est la 2ème ou 3ème prostituée la plus importante de la maison close où elle réside. Elle a beau maitriser parfaitement l'art de la séduction et être d'une beauté quasi-céleste, elle a un caractère particulièrement trempé. Elle peut se montrer violente, méprisante, agressive.
Un jour, l'Oiran de la maison, c'est à dire la plus importante des prostituées, qui jouit, de ce fait d'un statut supérieur, de plus de pouvoirs, mais aussi de certaines obligations, meurt. La seule apte à lui succéder est Kiyoha. Celle-ci refuse mais se voyant appeler Oiran elle se rappelle alors son arrivé dans cette maison close et ce moment où elle a juré qu'un jour, elle serait oiran si elle le souhaitait.
Sakuran nous montre donc l'évolution de Kiyoha, jeune fille abandonnée, vendue à une maison close. On voit son parcours, d'abord servante d'une oiran, puis apprentie. On découvre comment elle s'initie, par la théorie, au monde des courtisanes. On voit ses années passées, on voit les manipulations se faire. On voit sa beauté enfler et ses illusions disparaître.
On voit une jeune femme qui a la rage de vivre, coute que coute. Dotée d'une fierté sans borgne, elle va vivre sa vie comme personne d'autre. Kiyoha est une prostituée, c'est une catin, c'est une courtisane, mais c'est surtout une femme attachante tant elle est pleine et entière, même dans les manipulations.
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, une énorme partie de l'ouvrage ne montre pas la sexualité de Kiyoha. Celle-ci ne perd sa virginité qu'aux tiers du tome en réalité. Car oui, le monde des courtisanes n'est pas celui des prostituées européennes. C'est un monde avec ses codes, ses règles. Un homme ne vient pas louer une partie de jambe en l'air, mais payer une compagnie agréable.
On découvre les codes de ce monde, on découvre sa réalité, son quotidien. On voit également la noirceur de certaines choses, comme les punitions horribles, la vente des enfants, etc ...
On voit l'évolution de Kiyoha, on découvre qu'un cœur, même de prostitué, peut aimer. On découvre sa vie qui se dévoile à travers un récit que n'aurait pas renier un Zola.
Sakuran n'est pas exempt de défaut pour autant. Le dessin, très beau, est cependant très uniformisé. Si on est séduit par le design des personnages, on ne peut que regretter qu'il soit si semblable. On confond, ainsi, de nombreux personnages et on est forcé de relire plusieurs fois certaines scènes pour savoir qui est qui.
Ceci n'est pas anecdotique mais représente une véritable gêne durant la lecture. Une gêne des plus regrettable donc.
On notera aussi que si il y a une vraie attention portée au supplices moraux et aux troubles émotionnels, on passe trop rapidement, peut-être, sur les punitions physiques. Certes, elles sont mentionnées souvent, mais la douleeur de Kiyoha est absente du récit.
On regrettera, surtout, la fin, en queue de poisson. En effet, une suite est annoncée mais n'existe pas. C'est donc un one-shoot qui ne se finit pas réellement que la lecture nous offre. Certes, nous sommes pratiquement à la fin du récit, mais un petit peu plus n'aurait pas manqué.
C'est donc un autre regret qu'aura le lecteur.
Mais il faudra faire avec, car, Kiyoha en a de nombreux, pour sa part.