Sang neuf - American Vampire, tome 1 par Wykydtron IV

Dans l'introduction de Stephen King, l'auteur critique, sans le citer directement, "Twilight", et se réjouit de pouvoir participer au retour des vampires en tant que tueurs, avec American vampire.
Ca commence un peu à me saouler, tous ces gens qui aujourd'hui se croient forcés de citer Twilight quand on en vient à parler de vampires. Je préfèrerais qu'on ignore tout simplement ce phénomène. Et pour moi, le livre de Stephanie Meyer ne devrait même pas rentrer en compte, car ce n'est pas parce qu'une fiction traite maintenant du vampire comme il l'a toujours été avant qu'elle en est forcément meilleure.

Au cours du récit, qui alterne entre plusieurs époques, il y a souvent une association entre des actions et des répliques de temporalités différentes, créant des parallèles ou des contrepoints selon les cas.
C’est un peu le seul truc sympa dans la narration.
Un personnage blafard, avec un parasol, dit qu’il pèle à cause du soleil. Quelques pages plus loin, il dit qu’il devrait remettre de la lotion. Devinez ce qu’on apprend ensuite sur ce personnage ? Tu parles d’une surprise…
"American vampire" est régulièrement ponctué de ce genre d’indices, trop lourds pour être du foreshadowing. Un type prévient l’héroïne, en lui disant d’une soirée qu’elle sera "mortelle". Plus tard, il répète "la soirée était vraiment mortelle, hein ?", au cas où on n’aurait pas compris…
Ce jeu sur les mots est un peu mieux quand l’amie de l’héroïne mordue par un vampire, voyant cette dernière souffrante, insiste pour lui faire une transfusion, disant "prenez mon sang".

Ensuite, il y a ces situations-types dont je suis las. Un méchant, sans vérifier que son ennemi est bel et bien mort, assure à ses collègues que c’est le cas. Putain de foutre, mais ça lui ferait mal au cul de juste aller vérifier là où il est enterré ? J’aime pas ces excuses scénaristiques à la con, s’appuyant sur la certitude absurde d’un personnage, pour justifier qu’un personnage survive. Et la même situation se reproduit à la fin de ce volume 1 d’American vampire, avec les mêmes personnages ! Vérifie qu’il est mort, espèce de con, au lieu de te dire "oh, il était dans une caverne qui a été ensevelie sous les rochers, c’est un vampire, mais il doit être mort quand même"... mais bien sûr…
Après l’excuse qui nous vaut le fait qu’un personnage de vampire soit toujours (mort-)vivant, voilà que des gens plongent pour atteindre son tombeau sous-marin, afin de récupérer des affaires dans son cercueil. Evidemment, le type revient à la surface grâce à ça…
Par contre un truc vu bien souvent mais dont je ne me lasse pas, c’est l’originalité des épitaphes du far west (ça me rappelle quand je lisais Lucky Luke).

J’ai de King l’image de quelqu’un de rigoureux dans ses récits. Je pense que s’il avait apporté un peu plus de sa touche au scénario d’American vampire au lieu de suivre l’intrigue détaillée de Scott Snyder (qu’il décrit comme parfaite, rien que ça, il est gentil), certains problèmes auraient pu être réglés.
On retrouve toutefois de King certains éléments. (oui, je peux dire ça en n’ayant lu qu’un seul de ses romans, mais j’ai vu ses films)
Il y a l’analogie entre le bruit que fait le fer chauffé à blanc sur les testicules d’un cheval qu’on castre et le bruit d’une tête qui explose chez un homme au bûcher. Ca rappelle une comparaison similaire dans "Ca".
Ensuite, on n’hésite pas à tuer un enfant. Comme dans Ca, dans Maximum overdrive. Sauf qu’ici, c’est montré en contrejour, on voit juste la silhouette, et ça passerait inaperçu qu’il s’agit d’un enfant si on ne voyait pas un nounours voler. "American vampire" se montre plutôt sanglant, mais on dirait qu’il y a quand même des limites qu’on ne se permet pas de franchir… Dommage.

Les dessins de Rafael Albuquerque essayent de présenter quelques visions horrifiques, mais je ne sais pas, ça marche pas pour moi. Je n’aime pas ces mâchoires qui s’ouvrent si grand qu’elles font doubler la taille de la tête du vampire, ni ces griffes démesurées qui s’étendent comme des pattes d’araignées. Pareil pour ces quelques plans censés être "épiques", qui se basent sur de l’exagération des actions, que ce soit un vampire qui fait un bond énorme qui n’est pas bien utile si ce n’est pour prendre la pose, ou une femme ordinaire qui semble jaillir dans les airs pour porter un coup de couteau.
Et puis le style des dessins ne me plait simplement pas.

Qu’en est-il de la "revisite" du mythe du vampire ? L’originalité est relative : des vampires qui peuvent évoluer de jour (c’était comme ça à la base dans le Dracula de Stoker, c’est juste que les gens l’ont oublié), la cruauté des vampires qui se mêle à celle du milieu du cinéma, la soif de sang qui s’allie à celle de pouvoir et d’argent, … mouais.
Ce qui change un peu la donne relève du détail : le personnage héroïque contaminé ; la filleule dont on devient l’amant et dont l’enfant annonce la suite de la série. Aux seconds plans, on voit des victimes sur des crochets qui demandent pitié, une femme démembrée avec des pompes reliées à ses moignons…
Objectivement, American vampire ce n’est pas mauvais, mais je ne vois pas trop ce que ça apporte comme "sang neuf", pour citer le titre de ce volume 1.