Voilà encore un titre frustrant dès lors où on se perd dans les coutumiers égarements de l’exercice critique. Un manga, un autre, dépourvu d’ambition, d’idée ou de véritable souffle créatif, qui n’a en plus – voire en moins – pas même suffisamment d’éclat pour être outrancièrement mauvais. Les contenus excrémentiels ont un goût – atroce celui-ci – qui permet au moins de les distinguer de la fadeur d’innombrables titres, dont celui-ci, incapable de s’illustrer en quelconque matière que ce soit. Y’a des œuvres qui ont été écrites pour que leur lecteur n’en retienne rien à l’arrivée. On ne lit pas ça comme un passe-temps ou un trompe-l’ennui mais un gâche-temps où on y jette de précieuses minutes comme dans un trou noir. Et ça pour quoi ? Ne rien ressentir en bout de course. Pour Sangsues comme pour bien d’autres Seinen écrits comme ça, sur l’idée d’un instant, je n’éprouve ni haine ni joie ; rien qu’une profonde et irrésistible indifférence.
Le dessin, sans être trop formaté, n’évoque lui aussi que bien peu de choses et ne nous laissera ni la satisfaction de nous en régaler des yeux ou bien de le maudire. Il est. Et c’est déjà ça de pris, j’imagine.
L’intrigue ? Elle part d’un concept. Sympathique dans l’idée ; mal branlé quand on l’exécute ici. Les Sangsues étant des fantômes qui en fait agiraient et subiraient les mêmes choses que des humains, mais sur un autre plan existentiel coexistant au nôtre. C’est une histoire de spectre très controuvée avec du malheur post-mortem. Dès le premier volume, j’y voyais un King Game entrecoupé dans un Soul Keeper. Avec Edgy McDark comptant parmi le duo de personnages principaux. Vous ne vous souvenez peut-être déjà plus d’eux à peine le dernier volume fermé. C’est normal, c’est leur conception qui veut ça. Ou peut-être justement l’absence de cette derrière.
Comme écrit précédemment, le concept des « Sangsues » est initialement sympa, quoi que manifestement dépourvu de la moindre forme de cohérence, puisqu’il est possible pour les Sangsues de se blesser et d’interagir avec les objets. Cela, sans avoir d’incidence véritable sur le monde réel. Le concept de la Sangsue a été bricolé à la va-vite par un auteur qui a tablé là-dessus pour nous accabler de cinq volumes. Il y a du drama tout du long, avec des effets narratifs non pas spéciaux mais spécieux, venus chercher à créer de l’intensité et des enjeux dans une intrigue très franchement tournée vers nulle part.
Tout ça pour quoi ? Pour finalement aboutir à une discussion mièvre entre les protagonistes. La gentille embrasse le méchant garçon – un Tsundere à chromosome XY – et puis c’est marre. Heureusement qu’on ne s’attache pas à eux, ce serait un crève-cœur de se séparer d’eux sur une conclusion aussi convenue, n’appelant à aucune issue.
C’était pas terrible et ça se sera néanmoins étalé sur cinq volumes. Comme quoi, l’éloquence et la dialectique sont finalement deux disciplines bien à part l’une de l’autre. On peut parler beaucoup pour ne rien dire et véhiculer énormément en un mot. Aussi, pour couper l’herbe sous le pied à tous ceux, vindicatifs, venus me dire que j’écris de trop pour qualifier si peu de choses, je vais écourter la critique en conséquence. Prenons un raccourci jusqu’à la conclusion. L’auteur ne s’en est pas privé ; nous dirons qu’il s’agit ici d’un hommage.
Sans substance ni intérêt, Sangsues nous épargne au moins une scénographie tapageuse, même si la tempérance, quand on y regarde de plus près, se confond parfois avec l’apathie. Il y a des lectures qui vous requinquent un homme, d’autres qui l’anéantissent et certaines mêmes qui le font rire. Mais il en est aussi réputées pour leurs vertus soporifiques ; et c’est aux abord du coma, à peine sorti de ma lecture, que je viens vous jurer que Sangsues est une de celles-ci.