La série Sept nous offre parfois des récits très bons, parfois très mauvais (Sept Pirates). De temps en temps, on va dans de l'originalité (Sept Psychopathes), là où d'autres fois, nous restons dans le standard à souhait (Sept Voleurs). Quatrième tome de cette saga, Sept Missionnaires est clairement dans le haut du panier, dans ce que Sept peut nous offrir de mieux. La faute à Alain Ayroles, un maître du scénario.
Nord de l'Europe, période de christianisation. Alors que les vikings attaquent de plus en plus de monastères, sept moines sont recrutés par l'abbé afin de convertir les vikings. Mais n'étant pas prêt à sacrifier ces meilleurs hommes pour cela, l'abbé préfère choisir les pires. Sept moines qui, loin d'être des saints, incarnent chacun un des pêchés capitaux. Cette idée bien simple de profiter du chiffre sept pour incarner les célèbres pêchés est en réalité bigrement efficace. En effet, en moins de 12 pages, l'équipe est faite. Et sur cette douzaine, seules deux ont été réservées pour nous montrer l'équipe. Nous ne sommes pas dans une phase d'énumération comme tous les récits écrits jusque là. Non, Ayroles a su profiter du format, et nous permet de vite saisir la personnalité de chaque moine via son pêché capital. Une maitrise certaine de la narration en ressort.
Ces sept moines sont donc envoyé chez les vikings pour les convertir. Mais si tous doutent de leurs chances de victoire, celle-ci ne leur est elle pas promise ? Car si la vertu chrétienne n'a pas mis fins aux invasions, peut être la pomme de la discorde pourrait y réussir ?
Cette improbable quête va amener des résultats tout aussi improbables !
Je ne peux spoiler le scénario, mais tout est bien raconté. On dévore le récit, bien mis en images par Luigi Critone. C'est pas transcendantal non plus, mais ça fait son boulot et ça le fait bien ! On est dedans, et c'est ce qu'on demande.
Les personnages sont attachants, touchants et sonnent tous justes. Pas que les moines, incarnations du Malin. Non, on est forcé de comprendre et de se lier aux vikings. Ces vikings dont le puissant Odin va donc être mis à mal par Jésus-Christ.
L'amour pour les drames antiques ce sent ici. Comment ne pas retrouver le fatalisme du Crépuscule des Dieux ? On voit que ce sont les dieux nordiques qui abandonnent les vikings, on sent cette baisse, cet abandon. On sent cette ère nouvelle qui surgit.
La force de cette BD est de mettre en place plusieurs sujets, de manière discrète. En plus du scénario principal et de l'aspect dramatique, presque mythologique de cette conversion, la BD dévoile aussi un jeu très fin de politique entre le pouvoir spirituel et le pouvoir militaire (qui a dit "temporel" ? :D). Il y a un conflit entre l'église et le roi, c'est normal. Chacun essaie de faire peser la balance de son côté. Cette tension entre allié est bien rendu, tellement qu'on aimerait avoir une série entière dessus !
Mais de manière subtile, grâce à la première et à la dernière planche, Ayroles met en place une idée : les barbares paiens, qui vont faire la guerre aux noms de leurs Dieux sont ils si différents des Chrétiens ? N'est ce pas face à une croix que les chevaliers hurlent le nom de leur sauveur avant d'aller tuer des peuplades ennemies ? Cet ultime message du récit est mis en place de façon très judicieuse.
Sept Missionnaires nous montre ce que la saga Sept a de mieux à offrir : un récit court, qu'on dévore grâce à une narration parfaite, qu'on adore grâce à un scénario qui a de multiples idées sans jamais, pour autant, tomber dans le capharnaüm et enfin un dessin maîtrisé qui fait avancer le lecteur dans cet univers.
Mission accomplie !