Alors que les guerres de religion, les pénuries d’eau et bien d’autres choses ont rendu la terre inhabitable, ce qui reste de l’humanité vit en autarcie sur une station spatiale dirigée par une multinationale. La communauté des derniers hommes est devenue esclave de leur passion pour la consommation. Scott, son frère Virgile, Aïcha et Nova sont chargés de recueillir des informations sur des laboratoires spatiaux qui subissent des accidents mystérieux.
Bien que l’on puisse penser dans un premier temps au « Big Brother » de Georges Orwell, l’histoire s’en écarte pour dépeindre une critique très fournie de la société de consommation, du racisme, des rapports aux animaux, de l’esclavagisme, du capitalisme, de la « science sans conscience », du mode de gouvernance de la population… L’histoire exploite aussi le côté désabusé et cynique de la nature humaine.
Le nom de l’album provient du nom donné par la multinationale à une planète qu’ils projettent de créer en jouant à Dieu. C’est une référence à un lieu imaginaire décrit dans le roman « Les Horizons Perdus », écrit par James Hilton en 1933, qui met en scène des rescapés qui atteignent Shangri-La, une lamaserie utopique aux confins du Tibet. L’auteur a choisi ce nom de manière ironique puisque les habitants de cette nouvelle planète mèneraient une vie régit par l’entreprise Tianzhu qui les gouverneraient pas forcément de manière éclairé. Mais aussi parce que le nom est synonyme d’espoir pour cette nouvelle civilisation qui recommencerait et ne ferait pas (?) les mêmes erreurs qui auraient amené l’humanité à s’exiler sur une plateforme spatiale.
Esthétiquement parlant, cette œuvre est une réussite. La couverture surprend par sa sobriété et plusieurs pleines pages épurées rendent particulièrement bien. De même, les éléments de décors ou encore les robots m’ont beaucoup impressionné, par leurs détails et leur qualité graphique. Par contre, ce qui m’a plus dérouté, ce sont les visages des protagonistes. Même s’il s’agit du style de l’auteur (on le retrouve dans ses autres albums), je n’ai pas vraiment accroché à la façon dont il les dessine dans ce contexte car à l’instar des relations entre ses personnages, il leur manque un petit peu de volume et certains visages se ressemblent. En effet, les histoires entre les personnages manquent d’approfondissement, ce qui est déroutant parce qu’à côté de cela, l’auteur traite d’énormément de sujets dans cette dystopie de 220 planches.
Mathieu Bablet, est un artiste accompli puisqu’il est à la manœuvre sur le dessin, le scénario mais aussi les couleurs. Celles-ci sont d’ailleurs superbes en ce qui concerne l’espace et la « planète bleue ». Elles deviennent plus chaudes lorsqu’il s’agit de quitter la station spatiale pour la terre ferme ou quand les esprits s’échauffent, cela permet d’instiller des atmosphères différentes en fonction de ce que veut faire passer l’auteur. Le découpage des cases est relativement classique bien qu’utilisant souvent de grandes cases qui donnent de l’espace à cette histoire de science-fiction.
Cette œuvre a une fin originale dans le sens où l’ouvrage se termine à la fois sur une note de pessimisme et à la fois pleine d’espoir (dans l’épilogue). Elle fait partie de label 619 d’Ankama, une collection orientée cultures urbaines. On y trouve des bandes dessinée et des ouvrages inspirés des univers contemporains, pops et modernes, sans aucune contrainte de format ni de style pour les auteurs.
L’élaboration des dessins et la qualité du scénario m’ont donné envie de connaitre un peu plus l’œuvre de Mathieu Bablet. C’est la lecture de cet album qui m’a fait acheter la belle mort (toute première œuvre de l’auteur), que j’espère-vous conter bientôt…
Version illustrée : https://www.artefact-blog-bd.com/recit-complet/shangri-la/