Au sein du macrocosme super-héroïque de l’écurie Marvel, nous ne pourrons pas dire que le Silver Surfer ait été le mieux loti par-delà son médium originel : affilié aux Quatre Fantastiques, son incursion la plus notable au cinéma se limite au long-métrage de 2007, bide de son état depuis lors oublié de tous. Pour le spectateur/lecteur profane, ce personnage emblématique se réduisait donc à bien peu de choses, héraut désigné de Galactus (lui-même lointain et méconnu) affublé d’un chara-design pour le moins saugrenu.
Là est ainsi le tour de force de Silver Surfer: Black, lui qui dévoile avec un brillant doigté les origines et la profondeur d’un super-héros (si tant est que le terme soit adapté) des plus originaux. À la portée de tout un chacun, ce petit bijou signé Tradd Moore et Donny Cates s’avère de surcroît hautement réjouissant dans la forme, les déambulations du surfer cosmique se déroulant dans un écrin à nul autre pareil : une manière appropriée de rendre compte de son unicité, entre enjeux intimes et décorum autrement plus vaste, l’univers rimant avec binarités fondamentales.
Le récit, signé par le tandem, est donc franchement bien rodé : passé une introduction rapide mais efficace, celui-ci va concilier le style psychédélique, rond et abstrait de Moore à la dérive d’un Norrin Radd en quête de rédemption. Entre trou noir, cosmos et temporalité inversée, Black emploie de la sorte des archétypes du récit marvellien de grande ampleur, mais sans tomber pour autant dans la caricature « démentielle » : tout en conservant une ampleur proprement grisante, le comic-book va faire de bout en bout la part belle aux tourments du Surfer, eux qui seront rouages majeurs d’une intrigue généreuse.
Outre le semblant de « réhabilitation » de Galactus (aux yeux du lecteur n’y connaissant rien), Black va user à bon escient d’autres figures non moins « monumentales » dans leur stature et fonction, Knull cristallisant un antagonisme manichéen tandis qu’Ego composera un soutien commode : mais qu’importe la tonalité de leurs rôles respectifs, tous deux se feront surtout l’écho de l’ambivalence d’un Surfer plus complexe que de prime abord. Dès lors, l’ensemble se dévore avec délectation, le trait de Moore et les magnifiques couleurs de Dave Stewart confortant son propos au point de l’élever toujours plus haut : un régal pour la rétine doublé d’une écriture aux petits oignons, que demander de plus ?
Silver Surfer: Black constitue donc un indispensable aussi atypique que superbe pour quiconque voudrait découvrir le « vrai » Surfer… ou tout bonnement s’en prendre plein les yeux.